Batroun,

grande
bleue, vieilles pierres et une histoire riche en péripéties
|
Batroun, à l’instar d’autres
villes côtières du pays, s’enorgueillit de ses plages et « son
» soleil, de ses vestiges archéologiques, de ses vieilles bâtisses,
ses restaurants, ses boîtes de nuit et ses hôtels. Il faut aller
à cinquante kilomètres au nord de Beyrouth pour découvrir les
eaux les moins polluées du Liban. Vous le remarquerez tout de
suite en vous approchant des plages de galets blancs. L’autoroute
qui mène à ce chef-lieu du caza du Liban-Nord a été fraîchement
restaurée. Dès que vous prenez l’échangeur menant à Batroun, vous
vous sentirez en vacances. C’est simple, il a été décoré d’une
grande arcade bleue, portant le nom de la ville et de petits dessins
que l’on trouve généralement dans les livres touristiques, notamment
une assiette et des couverts pour les restaurants, un lit pour
les hôtels et une petite tour pour les vestiges archéologiques.
|
Batroun,
cette ville côtière à 50 km au nord de Beyrouth,
possède, elle aussi, son festival.

Batroun en Août 2006: un
festival pour tous
Lédition 2006 se déroulera
tout au long du mois daoût, sur quatre week-ends.
«Cette année, il y en aura pour tous les goûts»,
a décidé le comité du festival en préparant
son programme. Des événements culturels: concerts,
exposition de photos, spectacle de ballet, projections de films;
mais aussi des prix spéciaux dans certains restaurants,
des fêtes champêtres les dimanches avec des activités
pour toute la famille et un marché quotidien présentant
les produits de la région. Les manifestations se tiendront
dans les sites de Batroun, devant le mur phénicien, le
port de pêche ou le vieux souk rénové.
Ce festival est organisé en collaboration avec des ONG
de la région. Il a reçu cette année lappui
du SRI International (lex-Stanford Research Institut), qui
reçoit ses fonds de lUSAid Lebanon, dans le cadre
du programme Expanding Economic Opportunities (élargissement
des opportunités économiques).
Tout au long du festival, il y aura:
Des expositions de photographies «Regards croisés»,
du 4 au 27 août. Organisée par le Mois de la photo
au Liban et avec le soutien de la Maison européenne de
la photographie (Paris), cette exposition regroupe les uvres
de cinq preneurs dimages européens, sous la direction
artistique de Jean Merhi. Les uvres de Carlos Freire seront
accrochées sur les cimaises de Dar el-Mona. Celles dIsabelle
Weingarten représentant des artistes et des comédiens
dans les coulisses dans le vieux souk. Les portraits dartistes
internationaux foulant le tapis rouge cannois et immortalisés
par Laurence Sudre seront visibles à la cave de lÉcole
du Sacré-Cur. À voir également: les
coulisses de Cannes, par Xavier Lambourg, à Dar el-Mona.
Des clichés dArnaud Baumann regroupés sous
le thème de «Chambre blanche», à la
maison Mouzawak & Keyrouz. Des projections de diapositives
de portraits dacteurs et de réalisateurs à
Dar el-Mona. Sont également prévus des ateliers
de travail avec Carlos Freire et Isabelle Weingarten.
Souk el-Tayeb:
Ouvert
tous les vendredis et samedis de 17h à 20h, les dimanches
de 9h à 14h, il propose aux visiteurs les produits de la
région.
Les
dimanches à Batroun:
Tous
les dimanches du mois daoût, des visites guidées
des sites historiques de la ville, avec des activiéts
folkloriques, culinaires et sportives. Les visiteurs peuvent
aussi effectuer des promenades en bateau, se dorer le nombril
ou déguster un vin en admirant le coucher du soleil au
Phoenician Wall.
Quant aux activités du festival, elles seront inaugurées
le vendredi 4 août, à 21h, au Phoenician Wall,
par le Ballet Biarritz. Sous la direction artistique de Thierry
Mandalain (également chorégraphe de la troupe),
24 interprètes danseront sur des extraits de Les Créateurs,
de Beethoven, Mozart à deux et Le Boléro, de Ravel.
Billets à 45000, 90000 et 135000 LL. Ce jour-là
verra également le vernissage des expositions de photographies
et louverture du Souk el-Tayeb , à 18h30, sur le
port de pêche.
Samedi 5 août :
Un
concert de musique pop orientale par Waël Kfoury, au Phoenician
Wall, à 21h. Billets à 20000, 45000 et 135000
LL.
Dimanche
6 août:
Compétition culinaire organisée par Souk el-Tayeb,
à 11h.
Vendredi
11 août:
Une soirée de musique électronique avec un DJ
international au Phoenician Wall, à 20h. Billets à
20000 LL.
Samedi 12 août:
Concert de musique pop par les lauréats de Star Academy
3, au Phoenician Wall, à 21h. Billets à 20000,
35000 et 50000 LL.
Dimanche
13 août:
Likaa Farah, un théâtre pour enfants mis en scène
par Gisèle Hachem Zard, au Phoenician Wall, à
19h30, entrée libre.
Vendredi
18 août:
Spectacle de comédie intitulé Kezzab Kbir avec
Georges Khabbaz au Phoenician Wall, à 21h. Billets à
10000, 20000 et 30000 LL.
Samedi 19 août:
Concert de musique grecque traditionnelle et moderne avec Yorgos
Kremmastos, à 21h, au Phoenician Wall. Billets à
30000, 50000 et 75000 LL.
Vendredi
25 août:
Grande fiesta en plein air avec la participation des night clubs
de Batroun. À partir de 21h, billets à 20000 LL.
Les détails de la soirée de clôture, une
mega-fête prévue le samedi 26 août, seront
annoncés ultérieurement.
Les billets sont en vente au Virgin Megastore à partir
du 1er juillet.
|
Voir
aussi le site anglophone Batroun.com
Une
maison tranquille en plein centre de Batroun:
«Dar al-Mona», un écrin pour les activités artistiques
Au
départ, une vieille demeure libanaise située en plein centre de
Batroun, mais suffisamment en retrait pour jouir d’une certaine
quiétude. Ensuite, le rêve d’un couple, Sabah et Mona Abi-Hanna,
respectivement architecte et peintre, qui ont voulu, un jour,
acquérir cette maison, la restaurer et l’aménager… mais non pas
l’habiter. Et enfin, le projet qui prend forme. Croquis de plan
sur papier, il y a deux ans, le rêve s’est concrétisé. Il porte
aujourd’hui un nom: «Dar al-Mona». Cette vaste résidence aux murs
rénovés et au passé préservé accueille, depuis deux ans, diverses
activités artistiques et contribue ainsi au développement de l’art
libanais sous toutes ses formes. Tout a commencé un soir de septembre
2003 par l’exposition individuelle des toiles de Mona Abi-Hanna
qui inaugurait les lieux, ce jour-là. Pourquoi ne pas accueillir
d’autres artistes, des concerts ou des signatures de livres, pense-t-elle!
En plein essor
Très vite, l’idée va faire son chemin et les travaux à effectuer
iront bon train. Avec ses innombrables pièces agréablement aménagées,
«Dar al-Mona» sera fin prêt à accueillir diverses manifestations.
Noël 2004 marque la naissance de l’association à but non lucratif
de «La famille de Dar al-Mona». Depuis, un comité, dont font partie
les Abi Hanna, s’occupe de la gestion des lieux où toutes les
propositions sont les bienvenues. De l’exposition picturale de
Wajih Nahlé à celle des photos de Farès Jammal en passant par
les instruments musicaux de Nasser Makhoul. Que de soirées chaleureuses
et conviviales organisées dans les locaux fraîchement repeints
de «Dar al-Mona» ou sous les arbres fruitiers du jardin! Parfois
même, les manifestations étaient jumelées afin de rendre les lieux
plus vivants, plus dynamiques. Aussi, défiant les turbulentes
journées de mars 2005, l’exposition Duo a attiré beaucoup de visiteurs
qui ont eu la joie de découvrir les toiles de Raouf Rifaï et de
Charles Khoury sur fond de lecture de poèmes de Bassima Batouli
et des chansons de Feyrouz, interprétées par Jaouhara Élias. Certes,
une frilosité due à la situation qui prévalait allait quelque
peu ralentir la machine. Mais c’était méconnaître la volonté des
organisateurs. Récemment, à l’occasion de l’inauguration du Festival
de Batroun qui s’est déroulé au début du mois sur la place centrale
de la ville, une toile de six mètres de long et 110 cm de large
a été dressée. Six peintres y ont travaillé: Raouf Rifaï, Youssef
Aoun, Tala el-Amine, Zeina Bedrane, Mansour Habre et Charles Khoury.
Cette performance artistique exécutée à l’initiative de «Dar al-Mona»
allait relancer la dynamique créée dans la région. «L’œuvre ne
fait que grossir la collection privée de la maison qui, au fil
des expositions, a réussi à se constituer un fond intéressant»,
explique Cécile Farah, la responsable des lieux qui prend très
à cœur le projet. Profitant des locaux lumineux et bien éclairés
de «Dar al-Mona», le département d’architecture et de design de
la LAU y exposera les installations de quatre étudiants. Dans
une région riche sur plus d’un plan, «Dar al-Mona» s’affirme ainsi
comme une plate-forme artistique, où se font tous les échanges
et les rencontres, et un poumon culturel ouvert à tous.
Colette KHALAF pour
L'Orient-Le Jour
|

Aller
à Batroun
Vous pouvez prendre l'autostrade mais si vous avez le
temps, engagez-vous – une fois au niveau de Amchit
– dans la vieille route côtière. Vous découvrirez
une zone qui n’est pas encore complètement urbanisée,
des terrains vagues (jaunes en été, verts au printemps)
qui s’étendent devant la mer, une côte rocheuse entrecoupée
ici et là de petites baies de galets blancs, et des rochers,
plus petits que des îlots, qui attendent probablement
de jolies sirènes qui viendraient s’y prélasser... Vous
êtes déjà au pont de Madfoun ? Regardez à gauche, vous
verrez de petits centres balnéaires et des restaurants
prêts à vous offrir votre café du matin, juste en face
de la mer. L’eau est calme, aux tonalités claires qui
vont du vert au bleu. Rochers ou galets blancs, la mer
à Batroun est limpide. Si vous avez de la chance, il existe
de ces journées exceptionnelles d’octobre où vous pouvez
voir votre propre reflet dans l’eau, presque comme dans
un miroir. La mer vous tente, vous décidez de passer une
journée à la plage... Si vous aimez aussi les veilles
pierres, les flâneries à pied et les anciennes églises,
votre choix sera difficile. Ne vous inquiétez pas cependant,
si vous vous attardez devant la grande bleue : il faut
compter un maximum de trois heures pour découvrir la ville
de Batroun.
|
Restauration
du vieux souk
Comme Beyrouth, Batroun a été frappée par plusieurs
tremblements de terre. Le dernier remonte à 551. Il
aurait enseveli la citadelle phénicienne de la ville.
Au cours de ces dernières années, des dizaines d’habitants
ont été expropriés dans la zone qui devrait receler
les vestiges en question et la DGA a prévu d’entamer
des fouilles. Beaucoup de personnes originaires de ce
quartier sont prêtes à parier qu’il doit y avoir plusieurs
cités ensevelies dans ce secteur, soutenant que des
pierres de leurs vieilles maisons portent des sculptures
anciennes et que des colonnes de l’Antiquité ont été
utilisées dans la construction de certaines habitations.
D’autres se souviennent des travaux d’infrastructure
effectués dans ce quartier au cours des années cinquante,
quand la municipalité a voulu réhabiliter une rue. Un
sexagénaire indique qu’il y avait juste à côté de sa
maison, un passage sous voûtes et des salles dont les
murs atteignaient plus d’un mètre et demi d’épaisseur.
Les Croisés auraient-ils élu domicile dans les vieux
vestiges de la citadelle phénicienne ? On sait que Batroun
dépendait du comté toulousain de Tripoli à cette époque
et qu’elle était gouvernée par une famille provençale
dont une des femmes, Lucie d’Agout, avait épousé un
riche marchand de Pise. Pour épouser Lucie, Plibain,
le Pisan, avait payé en or le poids de sa dulcinée.
C’est qu’elle avait un autre prétendant un Flamand maître
de l’ordre des Templiers. L’histoire ne dit pas si Lucie
était belle ou laide, grosse ou maigre... L’un des plus
beaux vestiges de l’époque croisée à Batroun est la
chapelle orthodoxe Sainte-Marie de la Mer, qui donne
sur la muraille phénicienne. Elle aurait été construite
sur les ruines d’une église byzantine. Ses icônes, peintes
par un artiste de Jérusalem, datent de 1813. La moutassarifia
: une autre époque où Batroun a connu la prospérité.
L’actuel chef-lieu de caza était la capitale de tout
un mohafazat. La zone administrative a regroupé à un
certain moment plusieurs régions libanaises, notamment
Bécharré et Hermel. Vingt-cinq caravansérails du vieux
souk de la ville – actuellement en restauration – construits
au XIXe siècle témoignent de ce prestigieux passé. Après
cette petite leçon d’histoire, flânez à pied à Batroun.
Vous pouvez garer votre voiture dans un parking situé
non loin de Notre-Dame de la Place, une église maronite
datant de 1898, située à égale distance de plusieurs
vieux sites de la ville (mis à part l’amphithéâtre romain)
et... qui avait été construite par l’arrière grand-père
maternel de l’actuel ministre des Télécoms, Jean-Louis
Cardahi. Si la journée est chaude et le soleil tape
fort, il serait préférable d’entamer la promenade en
fin d’après-midi. Dans la zone nommée « la citadelle
phénicienne », de vieilles colonnes ont été utilisées
pour la construction des bâtiments au XIXe siècle et
certaines pierres entassées anarchiquement pour édifier
les murs portent de très vieilles inscriptions. Jetez
un coup d’œil aux plafonds des maisons encore habitées,
ils sont soutenus par des poutres du début du siècle
dernier. Un peu plus loin, c’est le vieux souk – construit
au XIXe siècle – et ses huit rues en cours de restauration
qui vous accueillent. Les élégants bâtiments de gré
jaune contrastent avec les étals des bouchers, des poissonniers,
des marchands de légumes... Regardez les couleurs éclatantes
de la marchandise mise à la vente, fermez les yeux et
inhalez l’odeur des épices. Engagez-vous dans d’autres
rues du souk, il y a quelques barbiers. L’un d’entre
eux, dans sa minuscule échoppe, coupe les cheveux de
ses clients sur une chaise du XIXe siècle et propose
à la vente des cages, des oiseaux et de la poix. On
ne saura pas si un jour il a confondu cette matière
visqueuse avec de la brillantine... Entre les cadreurs
et les menuisiers, vous trouverez des cafés réservés
exclusivement aux hommes qui viennent se retrouver,
souvent pour jouer aux cartes à toute heure de la journée.
Méditez un peu sur le cours de l’histoire : cette zone
calme et pittoresque constituait au XIXe siècle le cœur
battant de tout un mohafazat. Ici, l’on vendait et l’on
échangeait des marchandises : soie, blé, orge, huile
et autres biens de consommation... Droit devant vous,
la cathédrale Saint-Étienne, patron de la ville. Édifiée
en face du port en 1896 par un architecte italien, elle
a été inaugurée en 1904. De style hybride, la cathédrale,
qui peut accueillir plus d’un millier de croyants, présente
des colonnes en pierres fossilisées. Elle a été probablement
bâtie sur les ruines d’une église croisée, voire d’une
chapelle encore plus ancienne. Il semble que Saint-Étienne
apôtre a fondé la première communauté chrétienne à Batroun.

L’éponge, le poisson... et l’intercession de Dieu
En face de la cathédrale Saint-Étienne
se dresse le petit port de Batroun. Mal réhabilité au
cours des années quatre-vingt-dix, il a perdu beaucoup
de son charme. Et depuis, presque chaque hiver, quand
la grande bleue se met en colère, les barques des pêcheurs
sont endommagées. Ils sont plus de quatre-vingts à exercer
ce métier. Tous se souviennent de la pêche à l’éponge
qui s’est arrêtée il y a une trentaine d’années. Depuis
la fin du XIXe siècle, Batroun exportait ses éponges
vers l’Europe. À la fin de la Deuxième Guerre mondiale,
les pêcheurs, habillés de scaphandres qui pesaient 65
kilogrammes, plongeaient à 80 pieds pour ramasser toutes
sortes d’éponges. À leur sortie de l’eau, ils les nettoyaient
en les plongeant dans de l’eau claire puis les piétinaient
des heures durant. Ensuite, pour les sécher, il fallait
les étaler au soleil. Sélim, la soixantaine, pêcheur
de son métier, montre les dégâts subis par sa felouque
l’hiver dernier. Il parle des « dons de la mer » qui
ont tari, probablement à cause de la pêche à la dynamite,
des usines voisines qui crachent du poison et de « ces
éponges » qu’il découvre en prenant la mer, soulignant
« qu’elles sont toutes petites, ne grandissent pas et
meurent au bout de quinze jours ». « Elles doivent être
malades », dit-il. Sélim ne veut pas se plaindre : «
Malgré tout, nous avons la chance de faire le métier
des disciples du Christ ». Et depuis des siècles, les
pêcheurs de Batroun ont compté sur l’intercession du
ciel pour rentrer sains et saufs à la maison. Chaque
année, une messe qui sort du commun est célébrée le
dimanche le plus proche de la Saint-Pierre (le 29 juin).
L’autel est installé sur une felouque dans le vieux
port en face de l’église Saint-Étienne. Et l’on prie
pour le repos de l’âme des pêcheurs – martyrs de la
mer – qui ont péri dans l’immensité de la grande bleue.
À la fin de la messe, l’autel felouque prend le large
et les personnes présentes à son bord jettent dans l’eau
une couronne de fleurs en hommage aux disparus. En 1896,
année de la construction de la cathédrale Saint-Étienne,
les pêcheurs de la ville avaient fait un vœu. Chacun
d’eux travaillait gratuitement une fois par semaine
pour l’édification de l’église. Ce sont eux qui ont
transporté le marbre de Carrare utilisé et procédé au
dallage du parterre. Avant la construction de Saint-Étienne
(et jusqu’à présent) la patronne des pêcheurs de Batroun
demeure Sainte-Marie de la Mer (chapelle croisée). Si
vous vous promenez en ville en posant des questions,
vous aurez droit à toutes sortes de réponses... Certains
vous diront qu’elle se promène la nuit sur la muraille
phénicienne pour récompenser les gentils et punir les
méchants, d’autres affirmeront qu’elle a sauvé plusieurs
chasseurs de trésors de la noyade à condition qu’ils
préservent intactes les richesses de la mer... D’autres,
plus sceptiques, parlent d’un banc d’algues qui avait
couvert la mer en 1892, empêchant les pêcheurs de prendre
la mer. Ces derniers ont risqué de mourir de faim. Ils
ont demandé l’intercession de Sainte-Marie de la Mer
et le banc d’algues a disparu. Le port de Batroun est
muni de deux charmants petits phares, rayés noir et
blanc, construits en 1973. Ils n’ont jamais fonctionné.
Entre les quais et les barques, vous verrez un pélican
se promener. Perdu seul en pleine mer, il a été sauvé
par les pêcheurs, qui l’ont apprivoisé. Le jour, il
se promène sur la terre ferme. La nuit, il dort dans
une felouque. Les pêcheurs, qui lui ramènent poissons
frais et quelques légumes verts, ont de plus en plus
peur : le pélican commence à voler et risque probablement
de périr par la balle d’un fusil de chasse.
|
Aux environs
de Batroun,
Nourié,
Notre-Dame de la Lumière
On l’appelle communément Nourié. Le site est l’un des
plus beaux de la côte du Liban-Nord. Une falaise de calcaire
blanc couverte de végétation se jette dans la mer. Au
loin, on voit des centres balnéaires et une plage de sable
blond, celle de Héré, la seule du genre au Liban-Nord.
Au bas de la falaise, le vert profond de l’herbe se mêle
merveilleusement au bleu du ciel et de la mer. Nourié,
tel est le nom donné à une petite église perchée face
à la mer, dédiée à la Sainte Vierge et à l’archange Michel,
dans la localité de Hamate (à quelques kilomètres de Batroun).
C’est à partir d’un couvent de religieuses orthodoxes
dédié à Notre-Dame de l’Annonciation que l’on peut admirer
le paysage, ou encore prier. Perchée sur cette falaise,
la chapelle est située dans une grotte et entourée d’un
vieux monastère. Pour que le lieu de culte soit facilement
accessible aux pèlerins, un chemin serpentant entre les
chênes et les pins a été tracé, il y a bien longtemps.
Il a été récemment restauré. Deux légendes circulent sur
l’aménagement de la grotte en chapelle et la construction
du vieux monastère. À la porte du lieu de culte, on peut
lire, gravée dans le marbre, l’histoire d’un naufrage
évité. « Un miracle s’est produit sur cette falaise au
IVe siècle, quand l’empereur Théodose le Grand a failli
mourir au large de la côte du Liban-Nord », indique le
texte. Son bateau a été pris dans une tempête, en pleine
nuit. Arrivés au large de Hamate, en face de la falaise
qui abrite actuellement le couvent, les occupants du bateau
ont vu une femme portant un enfant. Elle était baignée
de lumière et la mer s’est tout de suite calmée. « N’ayez
pas peur, je suis avec vous », leur avait-elle dit. L’empereur
a donc décidé d’édifier une chapelle dédiée à la Vierge
Marie et qui, avec le temps, a pris le nom de Nourié,
ou Notre-Dame de la Lumière. Il existe une autre histoire
de naufragés, liée à cette même chapelle. C’est un prêtre
en charge du couvent qui la raconte. Elle remonterait
au VIe siècle et elle se rapporte à la construction de
l’ermitage, de petites cellules sculptées dans les rochers
et ayant abrité des moines des siècles durant. Deux jeunes
gens Onorius et Arcadius, fils d’un ministre de Constantinople,
se rendaient à Beyrouth. Naufragés au large de Hamate,
ils avaient été sauvés par un ermite qui vivait sur la
falaise. Il se prénommait Abdelmassih et s’occupait de
la chapelle. Il était originaire de Enfé (une localité
située à quelques kilomètres de Hamate et qui est connue
actuellement pour ses marais salants). Ces deux jeunes
hommes ont passé une quinzaine d’années à Hamate avant
de se rendre, avec le moine qui les avait sauvés, en pèlerinage
à Jérusalem. Invités à la table d’un saint homme de la
cité, ils ont raconté leur histoire et retrouvé leurs
parents, qui ont décidé de financer la construction du
monastère, dont les cellules sont visibles jusqu’à présent.
|
|
Pas beaucoup
d’artisanat... mais une spécialité: la limonade

Une ville qui n’a pas
d’artisanat local traditionnel, à l’instar de Kabrechmoun
et sa poterie, Kalamoun et son cuivre, Jezzine et sa
coutellerie, Sarafand et son verre soufflé... Par contre,
Batroun a deux spécialités : sa délicieuse limonade
et ses poissons appétissants. D’ailleurs, si vous arrivez
tôt dans la ville, dans la rue des poissonniers, vous
assisterez à des ventes à la criée, où le kilo de poisson
frais se vend à partir de 4 000 livres. Sachez que les
eaux libanaises sont bien généreuses en octobre et en
novembre et les prix, durant cette période, sont revus
à la baisse. Et dès la semaine prochaine, les filets
de pêcheurs seront lourds de grands poissons, le thon
faisant d’ailleurs son apparition sur les côtes du pays
à la mi-octobre. Il faut compter 20 000 livres pour
un thon de 7 kilos. Attention, si vous voulez faire
des économies, n’achetez pas des mollusques, rares en
cette saison ; le prix des seiches, des pieuvres et
des calamars baissera quand l’eau deviendra plus froide.
Vous avez réservé les poissons que vous ramènerez avec
vous à Beyrouth ? À la place de la ville, prenez une
limonade au goût unique doux-amer. Un cours d’histoire
locale : bien avant la construction de l’autoroute,
tous les automobilistes et leurs compagnons qui passaient
par la place principale de la ville avaient droit à
un verre de limonade frais et gratuit. Les voitures
n’étaient pas climatisées et l’on roulait les fenêtres
ouvertes. Ce qui facilitait la tâche aux limonadiers
: le premier verre offert incitait les clients à la
consommation. Et qu’est-ce qui donne à la limonade de
Batroun son goût si particulier ? C’est tout le citron,
notamment l’écorce et la pulpe, qui sont utilisées pour
la fabrication du breuvage. On ajoute le sucre, on laisse
le mélange reposer 24 heures. L’eau de fleur, que l’on
cite souvent dans la liste des ingrédients, n’est pas
utilisée à Batroun.

Grande
et petite histoire
Maintenant, place à la grande
histoire : Batroun est l’une des villes les plus anciennes
du Liban. Les hommes y ont laissé leur trace depuis
des millénaires. Elle a été tour à tour phénicienne,
romaine, byzantine et croisée. Et elle a, à plusieurs
reprises, changé de nom. Batrouna pour les Phéniciens,
Botris (grappe de raisins) pour les Grecs, et Bet Truna
en langue syriaque qui est traduit en arabe par « Maqaad
el-mir », ou le siège du prince. Une dénomination donnée
jusqu’à nos jours à un rocher, semblable à notre Raouché
beyrouthine, qui se dresse dans la mer en face des maisons
de la ville. Batroun la phénicienne était une ville
portuaire et la muraille qui cintre encore une partie
de la localité est le plus ancien témoignage des deux
ports phéniciens construits l’un au Nord et l’autre
au Sud de ce mur de grès dunaire. Il semble que pour
édifier la ville, les Phéniciens de Batroun (ville qui
dépendait du roi de Tyr) ont taillé des pierres dans
la falaise qui fait face à la mer, en laissant un rempart
protégeant les habitations de la cité quand la grande
bleue était en colère. À l’époque romaine, la ville
a connu un prestigieux destin. Ses habitants étaient
citoyens de l’Empire. Sous Auguste, elle avait le droit
de battre sa propre monnaie. Que reste-t-il des vestiges
romains de la ville ? Un amphithéâtre situé dans le
jardin d’une propriété privée, celle de Joseph Jammal,
photographe, qui a hérité d’une belle maison familiale.
Tout comme son père, il savait que sa maison recelait
des vestiges. Les gradins romains étaient recouverts
de terre où poussaient des vignes. Au début des années
quatre-vingt-dix, il a décidé de mettre au jour l’amphithéâtre
romain. Et c’est tout seul qu’il a dégagé les gradins
à l’aide de puissants jets d’eau. Le travail a duré
deux étés. Et depuis, l’amphithéâtre romain, situé dans
une propriété privée est ouvert au public. Il y a une
quinzaine de jours, un habitant de la ville voulait
construire un restaurant dans un lopin de terre situé
en face de la mer. Il commence à creuser et parvenu
à trois mètres de profondeur, il découvre une dizaine
de sarcophages, qui remonteraient probablement à l’époque
romaine. Une équipe d’archéologues travaille actuellement
sur le site. Des fouilles seront effectuées dans les
terrains avoisinants.

Entre Ghada et Agatha,
on y perd son latin
Non loin du port, vers l’ouest, la muraille
phénicienne de la ville. Promenez-vous sur les rochers,
entre le rempart et les maisons. Ici et là quelques
salinières. À droite, des arcades, celles de Sainte-Marie
de la Mer, de l’ancienne école orthodoxe, et d’une imposante
maison du XIXe siècle, actuellement en cours de restauration.
Quelques habitants soutiendront que le bel édifice était
le château d’une jolie princesse arabe, qui se prénommait
Ghada. Ils ont tort. L’élégant bâtiment avait été construit
par une famille de Batroun, qui avait émigré au Brésil
au tout début du siècle dernier. Les lieux ont ensuite
été habités par une femme, d’un âge certain, originaire
de Akoura. Elle ne s’est jamais mariée. Elle est morte
vieille et seule. Et elle s’appelait... Agatha. Pour
beaucoup d’habitants qui avaient du mal à prononcer
le prénom occidental, Agatha est devenue Ghada. Le fait
que cette femme vive toute seule au bord de la mer et
qu’elle soit étrangère à la ville les a aidés à tisser
une légende. Sachez enfin que « le château de la princesse
Ghada », désert durant des dizaines d’années, a été
acheté, il y a un peu moins de trois ans, par un émigré
de Batroun qui a fait sa vie aux États-Unis. En face
du beau bâtiment, entre la muraille et les rochers,
une minuscule crique : le « bassin des filles ». C’est
là que les femmes de la localité se baignaient seules,
loin des regards des hommes, avant la libéralisation
des mœurs.

Vie nocturne intense...
En marchant un peu sur les rochers, vous
découvrirez Maqaad el-mir qui fait face à la ville et
la petite plage publique de Batroun. Et maintenant,
faites le chemin inverse, sur le macadam, pour remonter
vers votre voiture. La rue est étroite, les maisons
habitées par les pêcheurs de la ville et... un petit
clocher se dresse au-dessus d’une charmante chapelle,
Sainte-Marie de la Mer. Si vous êtes croyant, brûlez
un cierge. Sinon, passez tout votre temps dans la cour
de l’église édifiée sous des arcades, vous aurez une
vue sur les rochers ocres et la muraille phénicienne
baignée par la mer. Et vous assisterez ensuite au coucher
du soleil. Sa couleur orangée se reflète dans la mer
limpide d’octobre. Le ciel a des teintes roses et violettes.
Et vous êtes calme, tranquille et heureux. Vous avez
du mal, à l’instar de beaucoup d’autres, à quitter la
ville. Vous avez décidé de passer une autre journée
à Batroun ? La ville compte quatre hôtels. Et depuis
deux ans, elle est connue pour sa vie nocturne. Plus
d’une quinzaine de pubs et de boîtes de nuit y ont vu
le jour, grâce à un homme, Georges Barbari, qui avait
pris son courage à deux mains en ouvrant la première
boîte de nuit de la localité, La Taïga, au début de
l’été 2000. L’été d’après, d’autres ont suivi son exemple...
Actuellement, à Batroun, été comme hiver, les soirées
se prolongent jusqu’aux petites lueurs de l’aube. Et
dans les boîtes de nuit de la ville, on croise certes
des noctambules de tout le Liban-Nord mais aussi beaucoup
d’autres qui viennent de Zahlé, de Jounieh et de Beyrouth.
Soignez votre apparence, vous risquez probablement de
croiser des connaissances qui font normalement la fête
entre le centre-ville et la rue Monnot...

Nager, manger, boire et... dormir
Vous avez prévu de rester en bord de
mer ? Si vous aimez la planche à voile optez pour le
Pearl Beach (03/292707), un club connu pour ce
sport. Le cours d’une heure avec moniteur se chiffre
à 15 dollars. Vous avez simplement envie de nager ?
Vous pouvez le faire en face de la côte rocheuse de
ce club ouvert la nuit pour servir plats et boissons.
Non loin de là, une plage de galets blancs et un restaurant
qui sert les meilleures poulpes au piment, le White
Beach (06/742505). L’entrée à la plage est gratuite,
il faut compter 3 000 livres pour la location d’une
chaise longue et d’un parasol. Vous voulez manger du
poisson frais ? Il n’y a que ça sur la côte de Batroun.
Essayez Le Marin (06/744016), l’un des plus anciens
restaurants de la ville, il offre une spécialité appréciée
par ceux qui aiment les goûts et les odeurs de la mer
: du poisson cru mariné dans de l’huile d’olive, du
citron et du piment. Envie d’autre chose ? Mangez une
pizza typiquement américaine chez Royal Pizza (06/642905),
un fast food tenu par un Batrounien ayant vécu aux États-Unis.
Pour des falafels légers et un délicieux shawarma, Peter
Snack (06/741057).
Parmi les nombreuses boîtes
de nuit qui ont poussé en ville, on retiendra
La Taiga (03/499408), Le Castello (03/910710)
et Le Centro, l’un des derniers nés de la localité.
Toutes ces boîtes de nuit sont situées à la place principale
de Batroun, dans d’anciennes bâtisses restaurées.
Envie de limonade ? Comme pour les boîtes de nuit et
les restaurants, c’est un choix immense qui vous est
présenté. Nous avons opté pour Chahine, situé
à la place du village.
Enfin, vous voulez passer la nuit à Batroun. Vous pouvez
louer une chambre au Batroun village club, ou
dans les trois centres balnéaires de la localité. L’Aqualand
(06/742741) et Le San Stephano (06/642366)
garderont leurs piscines pleines jusqu’après la mi-octobre.
Leurs chambres (munies de kitchenettes) donnent toutes
sur la mer. Et dès la mi-Octobre, ce sont les prix de
la basse saison qui sont pratiqués. Ils varieront entre
44 et 110 dollars selon les dimensions de la chambre.
Si vous ne restez pas à l’hôtel mais voulez passer une
journée à la plage, vous pouvez le faire moyennant 10
000 LL la journée. Le Sawary (06/642100) a vidé
sa piscinedébut Octobre. Vous pouvez toujours
louer une chambre à l’hôtel (60 dollars). Même si la
saison est finie, le personnel aura toujours la gentillesse
de vous servir le café sur la plage de sable.
>>>
Plus de détails sur la
Voile à Batroun?
Dossier réalisé
par Patricia Khoder

Octobre 2003
Remerciements
Nous remercions Joseph Merchack, professeur
d’histoire, Joseph Ajaltouni, vice-président du conseil
municipal, Alec Barakat, retraité de la fonction publique,
qui sont tous originaires de Batroun, pour leur précieuse
aide.
Les photos noir & blanc ont été gracieusement offertes
par le photographe Farès Jammal.
|
Séjourner
à Batroun?
Bon à Savoir
Batroun village club, ou
comment réaliser un rêve d’enfant
Le club le plus important du Liban-Nord
a vu le jour il y a tout juste un an. Construit sur
une surface de
100 000 mètres carrés, Batroun Village Club a été édifié
sur une colline verte surplombant la mer. Aménagé à
la manière d’un village méditerranéen, ce country club
est en parfaite harmonie avec le paysage qui l’entoure.
Non loin de là se dressent notamment des maisons du
XIXe siècle qui devraient être restaurées et une vielle
église. La construction de vingt-six bungalows, construits
à la manière d’un village de Provence, sera prochainement
entamée. Le projet, qui est né grâce à l’idée, « le
rêve d’enfant », d’un entrepreneur de la localité, Halim
Hayeck, présente notamment un grand bâtiment couleur
ocre, une piscine qui donne l’impression qu’on plonge
directement dans la Méditerranée, trois terrains de
tennis découverts, un terrain de beach volley-ball et
trois restaurants. Contrairement à beaucoup de clubs
du genre, la partie couverte (qui abrite une piscine,
plusieurs terrains de jeux les salles de musculation
et de judo) donne – grâce à ses baies vitrées – sur
la mer et la montagne. En été, plus d’une centaine de
réceptions, dont une soixantaine de mariages, ont été
organisées au Batroun Village Club. Et il fallait réserver
un mois à l’avance sa place dans les huit chambres et
deux suites du club. Un week-end vous tente au Batroun
Village Club ? Pour la basse saison, il faut prévoir
50 dollars pour la chambre de deux personnes et 70 dollars
pour la suite.
Pour plus d’informations, contactez le 06/744333.
|
En se dirigeant
vers Tripoli, juste avant le Tunnel de Chekka,
Msaylha et sa forteresse
perchée sur un promontoire
Le billet de 25 livres.
Souvenez-vous, il était marron et beige. Sur l’une de
ces facettes, il présentait une forteresse perchée sur
un promontoire. Construction méconnue, on l’appelait communément
le fort des 25 livres. Il s’agit de la forteresse de Msaylha,
située juste avant le tunnel de Chekka, en allant de Beyrouth
vers Tripoli. Il faut s’engager dans une rue de terre
battue, à partir de l’autoroute, pour arriver à ce château
fort couleur marron clair. Ensuite, il faut traverser
à pied un vieux pont qui enjambe Nahr el-Joz, la rivière
qui alimente en eau potable tout le caza de Batroun, pour
parvenir à la petite plaine entourant la forteresse de
Msaylha. L’histoire de cette citadelle demeure inconnue.
Certains disent qu’elle date des Croisés, d’autres affirment
qu’elle avait été édifiée par les Mamelouks, alors que
certains rapportent qu’elle avait été construite par l’émir
Fakhreddine. Il faut monter une cinquantaine de marches,
glissantes et dangereuses, pour parvenir à la forteresse,
qui n’a toujours pas été aménagée pour accueillir les
touristes. D’ailleurs, les habitants de la région conseillent
aux badauds de ne jamais s’y rendre seuls. Mal entretenue,
elle présente des trous et des crevasses, et en certains
endroits, on y est dans un noir quasi total. N’empêche
que l’escalade en vaut la peine. Vous aurez un angle de
vue de 360 ° sur tout le caza de Batroun, avec ses vallées,
ses collines et ses oliveraies.
|

email/courriel:
Cette Page est encore en développement...
|

Le caza de Batroun : voyage au cœur des traditions spirituelles
ancestrales
Un parcours dans l'arrière-pays
constellé de très vieilles églises,
malheureusement souvent mal conservées
«Batruna », cité-État
cananéenne, comptoir phénicien. « Botrys », pour la civilisation
hellène, ce qui voudrait dire la « grappe de raisin», désormais
emblème de cette ville séduisante de la côte libanaise. D’après
la légende, Batroun aurait été fondée par Ithobaal, roi de Tyr,
vers 1000 avant J-C. Mais la mention de la ville dans les tablettes
de Tell et Aamarna, lesquelles sont la correspondance des roitelets
phéniciens avec le pharaon Akhénaton, vers 1300 avant J-C, tend
à laisser penser qu’elle a été fondée à une époque antérieure,
et qu’elle aurait acquis une certaine importance pour l’Égypte
pharaonique. Étrangement, Batroun et, partant, le caza de Batroun,
apparaissent comme l’expression même d’un certain Liban, à la
fois dualiste et complémentaire: ouverts sur la Méditerranée et
forts de leurs héritages historiques et mythiques, notamment phénicien,
et convergeant inéluctablement vers la montagne, les highlands,
l’hinterland, empreint de mysticisme, de traditions spirituelles
maronites et byzantines ancestrales, créateur d’un espace de sainteté.
Concrètement, sur le terrain, cette idée trouve elle-même son
chemin. Il suffit de partir de l’imposant Mur phénicien de Batroun,
taillé dans le roc et qui défie l’horizon, et de s’aventurer progressivement
dans les hauteurs du caza, village après village, au fil d’églises
souvent plusieurs fois centenaires, jusqu’à arriver à Hardine,
à titre d’exemple (à 1100 mètres d’altitude, village d’où est
originaire saint Nehmetallah Hardini). Ce parcours permet de saisir
tout à la fois l’ambivalence du paysage batrounien : sobre et
plein de dénuement, et pourtant riche d’une âme mystique qui dépasse
les contingences du monde matériel. Fortement attaché à ses traditions
et à sa foi, le caza de Batroun n’en demeure pas moins ouvert
à la modernité et au tourisme (l’expérience d’un village comme
Bejdarfel est à suivre dans ce domaine), à l’image de la ville
même, qui est devenue tout au long des années 1990 et surtout
2000 le principal pôle touristique du Nord (les plages, les pubs,
les night-clubs ont proliféré en un très court laps de temps).
Une métropole de rêve pour les marginaux fuyant les tentacules
de la capitale pour le charme ésotérique de ce petit bout, hors
normes, de paradis. Pour les poètes et les rêveurs, les aventuriers
et les mystiques, les passionnés d’histoire et les amateurs de
randonnées, une région à découvrir absolument.
Michel HAJJI GEORGIOU pour L'Orient-Le Jour
Carnet de route Entre Ebrine et Kfarhay, de Élias el-Hoayek à
saint Jean Maron
L’ascension vers les villages du caza de Batroun est plus ou moins
lente. Si les routes sont bien asphaltées, elles n’en sont pas
moins étroites et sinueuses, ce qui rend le voyage souvent fatigant.
L’une des voies d’accès aux villages du caza est située à l’intérieur
même de la ville de Batroun – il s’agit de la place dite de «
Basbina ». Ijdabra. Si l’on suit cet itinéraire, le premier village
à poindre à l’horizon est Ijdabra (400 mètres d’altitude – à quatre
kilomètres de Batroun). Même s’il ne comporte aucun monument qui
ne vaille vraiment le détour, ce village donne rapidement le ton
de ce que sera le périple du caza : une découverte progressive
d’églises datant souvent des premiers âges de la chrétienté et
construit sur des temples païens, grecs ou romains, de vieux monastères
ou des lieux hautement symboliques dans l’histoire de la foi maronite.
Le village comporte deux églises relativement anciennes : Notre-Dame
de l’Assomption (1866) et Saint-Saba (Mar Saba), auprès de laquelle
trône un vieux chêne. Ebrine. Premier véritable arrêt de cet itinéraire.
Ebrine (440 mètres d’altitude, à six kilomètres de Batroun) est
un petit village calme. Les habitants sont très accueillants,
comme partout dans le caza, d’ailleurs, et l’on peut s’y ressourcer
tranquillement. Ebrine permet d’aller à la rencontre d’un grand
nom de l’histoire de la communauté maronite. Il s’agit du célèbre
patriarche de l’indépendance, Élias el-Hoayek, dont la tombe est
préservée dans un grand couvent datant du XIXe siècle, celui des
sœurs maronites de la Sainte Famille libanaise (Ordre fondé par
le patriarche Hoayek). Il est possible de visiter la chapelle
qui contient la tombe de Mgr Hoayek, après autorisation des sœurs.
La chapelle contient une statue très imposante du patriarche maronite,
sculptée par son neveu, Youssef Saadallah el-Hoayek. Un autre
endroit à visiter à Ebrine : la vieille petite église de Saint-Charbel,
qui domine la ville de Batroun. Un endroit est aménagé autour
de cette église pour un éventuel pique-nique improvisé. Il existe
d’autres vestiges, à peine perceptibles, d’églises datant du VIe
et du VIIe siècle, mais il est difficile d’y accéder en voiture.
Le village compte d’autres églises plus récentes, dont l’une datant
de 1882 (Saint-Jean Baptiste). Enfin, Ebrine est un lieu de camp
rêvé pour les scouts. L’espace dit « al-Wata », au nord-est du
couvent des sœurs, est une forêt de pins idéale pour le camping.
Rachkida.
Située à 400 mètres d’altitude et à huit kilomètres de Batroun,
Rachkida mérite assurément le détour. Et pour cause : il s’agit
du seul village chiite de la région. Si la mosquée de l’imam Hassan
(1920) n’a pas d’intérêt historique particulier, Rachkida renferme
toutefois un joyau apparemment négligé : une église (Saint-Georges
– Mar Gergès) d’une grande beauté, datant des premiers temps du
christianisme, qui porte les stigmates du temps et qui nécessite
une restauration urgente. Les murs à l’intérieur de l’église sont
peints à l’huile, mais le temps a fait son effet. L’église, tapie
près des figuiers, est complètement abandonnée, délaissée.
Bejdarfel.
À 450 mètres d’altitude et à six kilomètres de Batroun, cette
localité est un cas à part au sein d’un caza appelé à s’ouvrir
de plus en plus au tourisme. Le village correspond aux normes
touristiques internationales. On y trouve un grand centre commercial
(supermarché, pharmacie, librairie, snack...) sans équivalent
dans la région, et le patelin semble en développement perpétuel.
Un projet de lac artificiel est actuellement en voie de réalisation,
et Bejdarfel organise chaque année, depuis 2001, un festival artistique
et musical qui a lieu en été. Au plan historique, Bejdarfel présente
cependant moins d’intérêt que la grande majorité des autres villages
de la région. L’église paroissiale de Saint-Pantaléon (Mar Bindi
Leymoun, saint patron du village, et auquel les femmes font des
vœux à la recherche de la fécondité) date de 1763. Une statue
du saint patron du village jouxte l’église. Une autre statue,
bien plus récente celle-là (2001), occupe le marché de la ville,
celle de Notre-Dame de Bejdarfel. Il existe aussi une petite grotte
– « al-Mdarat » – derrière l’une des propriétés du village, celle
des Lahoud (de Bejdarfel). La grotte n’est cependant pas facile
d’accès. Il faut suivre en descendant un petit sentier sinueux
et peu entretenu durant dix minutes avant d’y arriver. Kfarhay.
En allant vers Kfarhay (450 mètres d’altitude, à 15 km de Batroun),
on s’enfonce un peu plus dans le pays batrounien. La légende voudrait
que le fond de la vallée soit rempli de bétyles, ce circuit de
temples païens qui permettait à l’époque de faire des pèlerinages.
Le village est la deuxième étape du périple maronite suivant ce
parcours : on y trouve le grand monastère Saint-Jean Maron (Mar
Youhanna Maroun), connu pour être le premier patriarche maronite
(VIIe siècle). Un monastère où le saint aurait vécu, et qui a
été restauré dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle. L’église
du monastère abrite également les reliques de saint Maron (mort
en 410), rapatriées de Filigno (Italie) au Liban en août 2000.
Kfarhay abrite également une très belle église, Saint-Saba (Mar
Saba) qui date des Croisés. Elle est construite sur les ruines
d’un temple grec dont une seule pierre existe encore, et sur laquelle
on peut lire des inscriptions en grec. Les autres très vieilles
églises du coin sont difficilement accessibles en voiture ; délaissées,
certaines d’entre elles ne sont plus que des ruines. Le village
est également le siège d’un village d’enfant SOS.
De Boqsmaya à Bcheailé, le haut pays batrounien Boqsmaya.
À partir de Kfarhay, il faut aller vers l’est, puis prendre la
bifurcation à gauche pour aller à Boqsmaya (450 mètres d’altitude,
à 17 km de Batroun). Un petit village aux routes étroites, mais
qui offre l’avantage d’abriter deux restaurants offrant des mezzés,
à la place dite « an-Nahriyya », près du Nahr el-Jozz. Boqsmaya
est surtout célèbre pour une petite église, Saydet el-Bzez, bâtie
avec les pierres d’un vieux temple romain dédié à Bacchus. L’ancienne
église tient son nom des oves se trouvant sur les vieilles pierres
du temple antérieur et qui sont réutilisées. L’église paroissiale
de Saint-Siméon le Stylite (saint patron du village) a 1 100 ans
d’âge. Elle jouxte Saydet el-Bzez et a également été bâtie avec
une partie des pierres du même temple romain. Le village abrite
également d’autres églises.
Jebla (450 mètres d’altitude, à 19 km
de Batroun), Dael (600 mètres d’altitude, à 22 km de Batroun),
puis Oura-Andoula (750 mètres d’altitude, à 23 km de Batroun)
et Bechtoudar (950 mètres d’altitude, à 27 km de Batroun) :
une succession de petits villages, reliés par une route étroite
et plutôt dangereuse.
À Jebla, le saint patron est saint Michel. Une église du début
du XXe siècle porte son nom. On peut également trouver dans ce
village la vieille église de Saydet el-Cornet, qui a été restaurée.
À Dael, le seul intérêt réside dans l’ancien monastère Saint-Serge
(Mar Sarkis), qui est tout près d’un ancien cimetière païen. Il
y a également une mosquée récente dans le village. À Oura-Andoula,
la seule attraction est l’église Saint-Théodore (Mar Tedros),
qui date du XIXe siècle. Il existe également de vieux sarcophages,
mais on en retrouve partout dans le haut pays batrounien. Bechtoudar
abrite le monastère de Mar Yaacoub el-Hosn (1860) et de vieux
sarcophages. Kfarhelda. Le paysage devient de plus en plus merveilleux
au fur et à mesure que l’on se rapproche de cet endroit paradisiaque
qu’est Bssettine el-Ossy, et sa cascade spectaculaire qui dégringole
la falaise sur une hauteur de plus de cent mètres. Kfarhelda (650
mètres d’altitude, à 27 km de Batroun) abrite les ruines de plusieurs
monastères et chapelles. Elle abrite notamment l’église de Saint-Pierre
(Mar Boutros, Ve siècle), construite en pierres ocres, et qui
est une merveille d’architecture. L’église byzantine Saint-Théodore
(Mar Tedros, VIe-VIIe siècle) n’est que partiellement conservée,
tandis que la chapelle de Saïdé est totalement en ruines, mais
toujours vénérée. Cependant, le clou de Kfarhelda est sans conteste
une petite et très vieille église qui se trouve sur la route de
Kfour el-Arabi, Notre-Dame de Kfarmalkoun (Saydet Kfamalkoun).
L’église, qui est quasiment perdue dans la montagne, est absolument
magnifique, chacune de ses pierres semble avoir son histoire.
Kfarhelda est l’occasion de faire une pause pour déjeuner sur
les bords du Nahr el-Jozz. Beit Chléla (750 mètres d’altitude,
à 30 km de Batroun). Remontée vers Douma et Tannourine, après
le passage immanquable par Bssettine el-Ossy. À voir absolument
à Beit Chléla une petite chapelle taillée et encastrée dans la
montagne, Saydet el-Bzezat. Il s’agissait d’un lieu de refuge
dans la montagne pour les premiers chrétiens persécutés. Il est
difficile d’y accéder en voiture, le sentier qui y mène étant
rocailleux et non asphalté. Sitôt parvenu sur les lieux du site,
il faut emprunter un petit escalier qui longe la montagne et qui
conduit à la chapelle. Un panorama formidable s’offre à la vue
: il est possible d’embrasser du regard toute l’étendue de Bssettine
el-Ossy. Selon les croyances locales, la vierge de Saydet el-Bzezat
(dont le regard est troublant) sourd de l’huile lorsqu’une personne
très croyante se présente à elle. Douma (1 150 mètres d’altitude,
à 45 km de Batroun), puis Bcheailé (1 250 mètres d’altitude, à
37 km de Batroun). L’espace manque pour parler de Douma, village
au patrimoine libanais considérable, et qui renferme également
un hôtel et des restaurants. Cependant, avant de parvenir au village,
il convient de s’arrêter pour visiter le monastère grec-orthodoxe
de Saint-Jean Baptiste, vieux de plusieurs siècles, et qui renferme
deux très belles églises. Les moines n’ont aucun inconvénient
à ouvrir les portes du monastère aux visiteurs, mais les photos
et les caméras sont interdites à l’intérieur. Récemment, des fouilles
dans l’une des deux églises ont permis de retrouver les ossements
de jeunes enfants qui avaient trouvé refuge dans l’église, et
dont la tête aurait été coupée en signe de victoire, sans doute
à l’époque ottomane ou mamelouk. Des bougeoirs ont été retrouvés
près des ossements qui sont conservés à l’intérieur de l’église.
Bcheailé, ou le retour vers Beyrouth en suivant le circuit Kfifane-Smar
Jbeil-Madfoun. Il existe également de nombreux sites à voir dans
ce village, notamment des inscriptions sur des roches dans la
montagne (lieu-dit de l’Ermite – al-Habiss) ou encore Qaleet el-Hosn,
vieille forteresse phénicienne, romaine et croisée aujourd’hui
en ruines. Mais l’attraction inhabituelle et qui mérite le détour
reste l’existence d’une dizaine d’imposants oliviers réputés pour
être parmi les plus vieux arbres du monde, aux racines ahurissantes,
et qui sont toujours verts.
Source : « Le caza de Batroun, un
trésor méconnu », guide du ministère du Tourisme, en collaboration
avec la « Rencontre des jeunes de Batroun ».
|

Excursions à thème dans le caza de Batroun
Hardine, Kfifane, Jrabta, ou le triptyque de la sainteté.

La maison de Saint Nehmetallah el-Hardini.
C’est sous ce nom que l’on pourrait désigner trois lieux d’une
beauté à couper le souffle qu’abrite le caza de Batroun : Hardine,
Kfifane et Jrabta.
Cette nouvelle tournée fait suite à l’itinéraire décrit
ci-dessus. Le Liban a trois saints. Deux d’entre eux sont intrinsèquement
liés au caza de Batroun, et le troisième y a longtemps vécu. D’abord,
saint Nehmetallah Kassab el-Hardini, né dans un pays sauvage,
magnifique et qui conserve encore toute sa pureté, tout son mysticisme,
même s’il commence petit à petit à devenir un centre du tourisme
religieux : il s’agit de Hardine-Beit Kassab. La tombe du saint
est par ailleurs conservée au monastère Saints-Cyprien-et-Justine
à Kfifane, devenu depuis quelques années un lieu important de
pèlerinage religieux pour les touristes du monde entier, et surtout
pour les Libanais. Ensuite, sainte Rafqa al-Rayess, qui
a vécu les dernières années de sa vie à Jrabta, au couvent Saint-Joseph-Jrabta,
où elle repose. Un lieu d’une grande beauté mystique, et qui appelle
au recueillement, à la méditation spirituelle et à la prière.
Enfin, saint Charbel Makhlouf. Saint Charbel est originaire
de Annaya, de Jbeil, et n’a pas véritablement sa place dans le
triptyque des villages sanctifiés du caza de Batroun. Pourtant,
il a lui aussi vécu, en tant que disciple de saint Nehmetallah
el-Hardini, au monastère Saints-Cyprien-et-Justine, où se trouve
également conservé le corps du miraculé frère Estéphan Nehmé el-Lefhedy.
En dehors de ces trois lieux phares de la chrétienté, du Liban
en général et du maronitisme tout particulièrement, la région
regorge, tout comme le reste du caza, de très vieilles églises
construites à l’époque des croisés, et dont certaines, délaissées,
sont très malheureusement aujourd’hui laissées à l’abandon. Panoramas
montagneux à couper le souffle, oliviers qui foisonnent à perte
de vue, vestiges des différentes civilisations qui ont traversé
le Liban, notamment phénicienne, grecque, romaine et byzantine,
paysages naturels et rocheux merveilleux, gens du terroir affables
et qui ont un sens certain de l’hospitalité : tout cela fait du
caza de Batroun un lieu incontournable pour les touristes libanais
et non libanais de toutes sortes : routiers et aventuriers, fanatiques
des vestiges et de l’histoire ancienne, croyants et mystiques,
ou tout simplement amoureux des grandes étendues naturelles sauvages
et fascinantes… L’ arrière-pays batrounien s’offre à vous…
L’ascension vers Hardine, une symbiose
entre le sauvage et le sacré
L’ascension vers Hardine à partir de la ville de Batroun prend
un certain temps, puisque le village de Nehmetallah el-Hardini
culmine à 1 100 mètres, et certains de ses vestiges à près de
1 500 mètres d’altitude. On peut y arriver par l’autoroute nouvellement
construite, tout comme on peut prendre les petites routes plus
ardues, mais bien plus jolies, qui passent par les villages du
caza. Itinéraire. Après avoir quitté Batroun pour Ijdabra, puis
Bejdarfel et Kour, le premier village où l’on peut marquer une
petite pause est Kfarhatna. Kfarhatna (450 mètres d’altitude,
à 15 kilomètres de Batroun) renferme une église bâtie au début
du XXe siècle sur les vestiges d’une vieille forteresse. Il s’agit
de Mar challita. On peut également y trouver des tombes
païennes et des puits. Zan. Zan (650 mètres d’altitude, à 18 kilomètres
de Batroun) est le premier village digne d’intérêt sur le plan
touristique. Il est également d’une très grande beauté. Si l’église
paroissiale, Saint-Jean-Baptiste, date du début du siècle (1904)
et ne présente pas d’intérêt historique particulier (elle est
néanmoins belle), on peut voir juste à côté de l’église le chêne
le plus vieux du caza de Batroun. Tellement vieux et imposant
que des courroies de fer ont été disposées tout autour de ses
branches pour empêcher qu’elles ne se brisent. Par ailleurs, les
restes de la vieille église Mar Sarkis bordent le cimetière
du village. L’église avait été construite sur les restes d’un
temple païen. On peut également trouver dans le coin des tombes
païennes taillées dans le roc. Enfin, l’église de Saydet el-Barbara,
reconstruite sur une vieille église dont une partie est taillée
dans le roc, mérite le détour. Elle se trouve près du monastère
tout neuf des sœurs de la Charité, qui viennent de s’installer
dans la région. Ftahat Sourat puis Kfarchleimane. Si Fathat (550
mètres d’altitude, à 17 kilomètres de Batroun) et Sourat (500
mètres d’altitude, à 13 kilomètres de Batroun) ne présentent aucun
intérêt particulier (Sourat était pourtant un village très important
à l’époque des croisades), il n’en est pas de même pour Kfarchleimane
(750 mètres d’altitude, à 18 kilomètres de Batroun), premier véritable
grand arrêt de cette tournée. Au terme d’une ascension de quelques
minutes en voiture, il est possible d’apercevoir une petite église
retranchée en contrebas, vers la gauche. L’église est inaccessible
en voiture, et il faut y descendre à pied. Mais l’endroit, qui
borde les cimetières du village, est d’une beauté à couper le
souffle. Au milieu d’un site qui devait probablement être phénicien,
il existe des rochers taillés qui sont d’une beauté surprenante.
L’église elle-même, Saydet Naya, est très belle. Elle a
été construite autour de 1700 – mais a apparemment été rénovée
– au sommet d’un rocher taillé et creusé en chambre funéraire.
Derrière l’église, près du cimetière, il existe une toute petite
cave chapelle encastrée dans le roc. Abritée par une grille en
métal, elle renferme des peintures murales qui se sont détériorées
avec le temps. Selon les explications locales, la chapelle devait
être à l’origine une chambre funéraire, réaménagée en lieu de
culte autour du XIIe siècle. Il reste des peintures un Christ
Pantocrator de couleur ocre peint sur le mur gauche de la chapelle
ainsi qu’une Vierge allaitant l’Enfant Jésus. Également discernable,
une inscription en grec qui affirme : « Jésus-Christ triomphe
», près d’une peinture représentant un archer tirant sur une bête,
probablement le diable. Il existe également un autre Pantocrator
peint au plafond de la chapelle, mais la peinture a sérieusement
été endommagée par des feux allumés dans la cave. Rachkeddé (600
mètres d’altitude, à 14 kilomètres de Batroun). Rachkeddé renferme
une vieille église, Mar Sarkis et Bakhos, construite sur les ruines
d’un temple romain. Helta (650 mètres d’altitude, à 18 kilomètres
de Batroun). Lieu de naissance du patriarche maronite Élias el-Hoayek,
Helta abrite la maison du patriarche, un site parfaitement aménagé
pour les touristes. L’église de Mar Abda est bâtie sur un temple
romain, et l’église Notre-Dame (Saydet), d’une grande beauté,
est considérée comme étant l’une des plus vieilles du caza. Elle
a été restaurée. Dael, Oura-Andoula, Kfarhelda, puis Kfour el-Arbi
et Niha. À l’issue d’une longue traversée en voiture, qui descend
vers Bsetine el-Ossy, il faut remonter vers le village de Kfour
el-Arbi, qui culmine à 1 150 mètres d’altitude (35 kilomètres
de Batroun). L’ascension est longue et difficile, puisqu’il faut
monter à partir de Kfarhelda, la route principale étant actuellement
coupée pour travaux. Les routes de Kfour el-Arbi, petit village
perdu dans la nature sauvage du caza de Batroun, tiennent plus
des sentiers que des routes. Le village compte plusieurs églises,
mais il est possible d’accéder, à partir de Niha, à une splendide
forteresse croisée qui surplombe la montagne. Il s’agit de Saydet
el-Qalaa, qui est juste construite sous Hardine, mais qui n’est
accessible que de Niha. Hardine-BeitKassab. La route principale
pour remonter vers Hardine (1 100 mètres d’altitude, à 32 kilomètres
de Batroun) à partir de Kfour el-Arbi étant actuellement hors
service, il faut prendre ce qui est sans doute l’une des plus
belles routes du Liban : une vaste forêt de pins à l’état sauvage,
encore vierge de toute construction. L’idéal pour une bonne marche
de scouts routiers. En voiture, le chemin est très agréable, mais
il faut rouler lentement. Il conduit vers les hauteurs de Hardine,
et plus précisément devant le lieu d’ermitage de saint Nehmetallah
Kassab el-Hardini. Hardine est sans conteste la plus belle étape
du périple. Elle renferme une dizaine d’églises et de monastères,
certains datant de l’époque des croisés. Le plus bel emplacement
spirituel à visiter est le monastère Saint-Phocas (Mar Fawqa)
qui date du XVe siècle. Saydet el-Qalaa, la chapelle qui surplombe
la forteresse visible à partir de Niha, est taillée dans le roc.
Elle mérite le détour : le panorama qu’elle offre est sans pareil.
Mais elle n’est pas d’accès facile. Il est surtout possible de
visiter la maison de saint Hardini, aménagée pour les touristes
(avec un restaurant et un pub juste à côté). Mais le bijou de
Hardine est les vestiges – très mal conservés – d’un temple romain
prostyle dédié à Mercure et qui se situe au sommet de la montagne
(à 1 500 mètres d’altitude), tout prêt d’une station de télévision.
La route n’est pas facile d’accès, mais le site vaut le détour.
Derrière le temple, on peut embrasser du regard une grande partie
du caza de Bécharré, notamment Qnat.
Un lieu de pèlerinage et des monastères équipés pour les touristes
Pour redescendre de Hardine à Kfifane, et si l’on tient à faire
le pèlerinage en une seule journée (l’ascension vers Hardine est
fatigante et peut constituer un itinéraire à elle seule), il convient
de reprendre la route de Kfarhelda, Beit Chélala, Oura-Andoula
et Dael pour arriver à Assia. Il faut faire attention en redescendant
de Hardine, car certains endroits sont toujours minés depuis la
guerre. Des panneaux disposés au bord de la route signalent ces
champs de mines antipersonnel.
Mais la région de Kfifane est complètement différente de celle
de Hardine, dans la mesure où elle est bien plus accessible.
Jrabta et Kfifane sont deux étapes importantes au niveau du tourisme
religieux, et les deux monastères, qui sont très bien aménagés
pour les touristes, ne désemplissent pas. Par ailleurs, contrairement
au jurd de Batroun, il est facile de trouver une multitude de
restaurants et de snacks sur la route de Kfifane et de Jrabta.
Assia. Le haut pays batrounien semble désormais bien loin, et
la sauvagerie du paysage de l’hinterland laisse la place à de
beaux petits villages. La route d’Assia (870 mètres d’altitude,
à 27 kilomètres de Batroun) est bordée d’oliviers à perte de vue.
À Assia, l’église paroissiale Saint-Georges (1846) est bâtie sur
des ruines romaines. Un autre très beau site à voir est Saydet
el-Qalaa, une vieille église entourée de vieux rocs. Assia est
célèbre pour la poterie qu’on y fait suivant une vieille technique
n’utilisant pas la roue. Nehla, Mrah el-Hajj, el-Alali puis Chabtine.
La descente vers Kfifane se poursuit à travers une succession
de jolis petits villages, comportant notamment des églises datant
du XIXe siècle. Chabtine (500 mètres d’altitude, à 15 kilomètres
de Batroun) renferme plusieurs églises, notamment les restes d’une
dédiée à la Vierge Marie, bâtie sur les ruines d’un temple païen.
La belle église byzantine de Mar Sarkis et Bakhos date, elle,
de 1872. Deria. Le détour par Deria (500 mètres d’altitude, à
13 kilomètres de Batroun) vaut la peine, non pas pour ses vestiges,
mais pour un vieux chêne situé près de l’église Mar Nohra, laquelle
est bâtie sur les ruines d’une vieille église. Jran. L’église
Mar Doumit de Jran (400 mètres d’altitude, à 9 kilomètres de Batroun)
présente une vision pour le moins étrange : l’autel est bâti sur
deux piliers d’un vieux temple romain, sur lequel l’église a été
construite. Il est également possible de trouver à Jran une église
Mar Sarkis et Bakhos datant de l’époque byzantine et une autre
église, Saydet el-Ramat, datant du XVIIIe siècle. Ramat est le
lieu de naissance du patriarche maronite Yaacoub el-Ramati (1139-1151).
Il existe des restaurants et un pub à Jran. Kfifane. Le monastère
Saints-Cyprien (du nom du patriarche maronite de 1230)-et Justine
de Kfifane (400 mètres d’altitude, à 10 kilomètres de Batroun)
est le point d’arrêt principal de la région. Très grand, il abrite
le cercueil de saint Nehmetallah Kassab el-Hardini (depuis 1858).
Le monastère date de l’époque des croisades, et cette ancienneté
se manifeste par la présence de plusieurs citernes taillées dans
le rocher. Il y a également un grand couvercle de sarcophage derrière
le monastère. À l’intérieur du monastère, on peut trouver de belles
églises et visiter les pièces où saint Nehmetallah Kassab el-Hardini
travaillait et priait. À l’extérieur du monastère, il existe une
belle église, Saydet el-Zrouh. Il y a également trois autres églises
à Kfifane – dont l’une, Mar Abda, date du XIVe siècle – et une
mosquée. Il existe un hôtel restaurant entre Kfifane et Deria.
Jran, de nouveau, puis Mrah el-Zayat, puis Abdelli. L’église Notre-Dame
de Mrah el-Zayat (450 mètres d’altitude, à 12 kilomètres de Batroun),
qui date du XIXe siècle, a été construite avec des pierres de
la forteresse de Smar Jbeil. Abdelli (650 mètres d’altitude, à
16 kilomètres de Batroun) est un très beau village, où l’on peut
trouver un lieu de camping en été, nommé « al-Mighraq ». Le site
est recouvert par l’eau en hiver. Il existe deux vieilles églises
au village, dont l’une date de l’époque des croisades. Jrabta.
Jrabta (540 mètres d’altitude, à 20 kilomètres de Batroun) abrite
le couvent de saint Joseph, où sainte Rafqa a vécu les dernières
années de sa vie. Le monastère abrite son cercueil. L’endroit
est immense, avec des indications pour permettre aux touristes
et aux visiteurs de se retrouver. C’est un lieu incontournable
de pèlerinage, un lieu de recueillement et de prière d’une incroyable
sérénité. Le couvent de saint Joseph-Jrabta est célèbre pour les
vêtements religieux qui y sont fabriqués et pour ses pâtisseries,
dont le « marsaban». On y fait également des travaux manuels.
Par ailleurs, il existe à Jrabta une église, Mar Abda, datant
de l’époque des croisades, et d’autres églises des XVIIIe, XIXe
et XXe siècles. Pour redescendre vers Beyrouth, il faut reprendre
la route qui conduit vers Jran, non sans avoir fait un crochet
par le village de Sghar. Ensuite, une étape importante et agréable
est la visite de la vieille forteresse de Smar Jbeil puis de l’atelier
des frères sculpteurs Basbous à Rachana. On débouche ensuite sur
Madfoun, pour reprendre l’autoroute vers la capitale.
Michel
HAJJI GEORGIOU pour L'Orient-Le Jour
|
|