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Artistes du Liban:
"un militantisme pour la défense des idées et des lendemains meilleurs"
Portrait d'Artiste libanais
Marcel Khalifé, l'exemple de l'artiste militant

Marcel Khalifé à Beiteddine. (Photo Amer Zeineddine)

Prix de l' Académie Charles Cros 2007:
Marcel Khalifé remporte le prix « Musiques du monde »


Selon son palmarès proclamé hier à Paris, l’Académie Charles Cros a attribué pour 2007 son prix « Musiques du monde » au musicien libanais Marcel Khalifé pour son album Takasim. La plus haute distinction, le prix du président de la République, a été décernée au compositeur argentin installé en Allemagne, Mauricio Kagel.

Le concert de Marcel Khalifé a marqué le 5 Août 2005 la clôture du Festival de Beiteddine. Accompagné de dix-huit musiciens et de deux chanteuses, Oumayma et Yolla, le oudiste libanais le plus populaire, célèbre pour ses chansons engagées, a déployé un répertoire varié. Promenant son appareil vocal et instrumental entre les mélodies, les poèmes de Mahmoud Darwiche et les mouachahats, il a chanté la paix avec ferveur et passion. Et ses chansons, qui ont pris une résonance toute particulière en ces temps que traverse le pays, ont galvanisé le public.
Marcel Khalifé a interprété une chanson qu’il a spécialement écrite pour Rafic Hariri, Bassel Fleyhane, Samir Kassir et Georges Haoui, ainsi que des standards qui ont été repris par quatre mille spectateurs qui, trois heures durant, ont savouré chaque minute que leur a offerte l’artiste.



Marcel Khalifé, le pigeon voyageur



Un jour à Paris, le lendemain à New York, une semaine après en tournée en Europe, Marcel Khalifé, le maître incontesté du oud, est toujours en déplacement. C'est de ce mouvement dont parle son film Voyageur qui vient de sortir en DVD.
Il retrace les origines, l'itinéraire et les rêves de ce musicien engagé pour la paix.
avec

Trois Concerts de Marcel Khalifé à l'Unesco Palace de Beyrouth
les 19,20 et 21 Décembre 2003 à 21h.
Le oudiste libanais toujours entre nostalgie et inquiétude
Il est presque 21h et le public de Marcel Khalifé se presse déjà devant les portes de la salle des spectacles du palais de l’Unesco. Après presque deux ans d’absence, le oudiste libanais le plus populaire revient sur scène, entouré d’une formation à géométrie très occidentale. Ses fils Rami et Bachar au piano et aux percussions – ce dernier joue aussi du xylophone, dont il fait un magnifique usage pendant le morceau instrumental d’ouverture –, le clarinettiste Kinan Azmi, le contrebassiste Peter Herbert et la chanteuse Oumima el-Khalil ont pour ainsi dire « réhabillé » ses standards, repris en chœur par les quelque 1 100 spectateurs, impressionnants par le silence, si l’on peut dire recueilli, dont ils se sont entourés deux heures durant, savourant chaque minute que leur offrait Marcel Khalifé, qui a décidé, cette fois-ci, de ne jouer qu’à Beyrouth. Toutes les régions du Liban s’étaient donc déplacées vers la capitale, s’arrachant les billets en quelques jours. Une idole ne se refait pas.


Aujourd'hui, Marcel Khalifé mène un combat à tous les fronts. Son instrument sous le bras, ce combattant infatigable de la démocratie et de la liberté parcourt le monde. Si vous lui demandez s'il est installé à Paris, il vous interrompra et vous corrigera : «J'habite le monde». La caméra du réalisateur français Pierre Dupouey l'a suivi et a partagé son existence de troubadour tout en s'efforçant de «faire sentir l'enracinement de cet artiste dans sa terre pour faire comprendre ce que le pays lui a donné et montrer ce qu'il essaie de lui rendre». «Des liens profonds m'unissent au Liban», a déclaré Marcel Khalifé au centre Dunes, à Verdun, lundi 15 décembre, à l'occasion du lancement de son DVD Voyageur. «Le Liban coule dans mes veines»


Le site officiel de Marcel Khalifé

Souvenirs...

«Père, qu'est-ce que je leur ai fait?»

En 1999, les sunnites décrètent une fatwa contre Marcel Khalifé pour Ana Yousef, ya Abi (Oh mon père, je suis Joseph), des paroles de Mahmoud Darwish tirées d'un verset du Coran. Les autorités lui intentent un procès. Il sera finalement acquitté, le juge Ghada Bou Karroum estimant que l'interprétation ne portait pas atteinte au texte coranique, mais il partira s'installer à Paris. Déjà, lorsque la guerre avait éclaté, ses chansons engagées qui étaient contre le confessionnalisme et pour la démocratie, la liberté, les pauvres et les Palestiniens l'avaient obligé à «s'exiler» à Beyrouth-ouest. Aujourd'hui, Marcel Khalifé voyage avec sa musique: «Toutes les villes du monde sont ma patrie».

Décembre 2003:
le retour entre bulldozer et harmonie

Entre la variété arabe qui inonde, jusqu’à le noyer, le marché de la musique régionale, et les chansons à textes de Marcel Khalifé, il y a un monde, et c’est tant mieux. L’artiste, comme pour enfoncer le clou, fait appel tant aux rythmes occidentaux qu’à la pure tradition orientale moderne, avec un appareil vocal et instrumental qui ne s’embarrasse ni de roucoulades ni de synthétiseurs fous. Le quintette, et c’est ce qui constitue une des nombreuses marques déposées du oudiste, a déployé une très sincère entreprise de régénération d’une tradition musicale chaque jour un peu plus foulée aux pieds par le bulldozer Rotana, pour ne citer que lui. Ce recentrage autour d’une mélodie harmonieuse, de mots simples qui vont droit au cœur, comme les très beaux Bi ghaibték nézél chété et Oummi, sans oublier les mises en musique de poèmes du complice de toujours, Mahmoud Darwiche. Les mouwachahates, comme l’artiste l’a dit lui-même, sont son domaine préféré, dans lequel il aime promener sa voix, entre passion et nostalgie d’un Proche-Orient qu’on pourrait dire pastoral, du temps d’une relative innocence et où se mêlait déjà la sourde inquiétude des conflits sanglants à venir. Marcel Khalifé, homme discret et doux s’il en est, n’a jamais cessé de chanter pour la paix, quitte à prendre des positions courageuses, qu’on lui a largement fait payer il y a quatre ans de cela, à travers une accusation aussi humiliante que sans fondement. Le oudiste continue envers et contre tout son chemin et assure déjà une belle relève avec ses deux fils, même si les voies empruntées, si ce n’est celles de la musique, ne seront peut-être pas identiques. Si un pays de la coexistence devait exister un jour, Marcel Khalifé et sa musique en seraient très probablement la pierre d’angle.

Diala GEMAYEL
pour L'Orient LeJour


«Le Liban coule dans mes veines»

«J'aime ce pays. Le Liban restera la source dans laquelle je puise.
Le Liban coule dans mes veines».

Sur la scène de l'Unesco avec la chanteuse Oumima el-Khalil.
(Photo Marwan Assaf)


Il n'oublie pas Amchit, son village natal qu'il aime retrouver pour respirer les senteurs du pays et retrouver les forces qui le nourrissent. Sa musique reflète les sonorités qu'il écoutait tout petit là-bas: les voix des muezzins et des enfants de chœur vibrent encore en lui. C'est un message d'amour transcendant le fanatisme et l'intolérance qu'il voudrait transmettre à travers son film, son nouveau CD Caresse (Moudaaba) et les trois concerts qu'il donnera du 19 au 21 décembre au Palais de l'Unesco. Ce pays qu'il aime tant, Marcel Khalifé se dit préoccupé par son sort: «Je suis indigné de la façon dont on abuse de mon pays. Nous sommes perdus; nous vivons un exil intérieur et extérieur. (...) On nous distrait avec des arts de pacotille pour nous éloigner des réelles préoccupations. La décadence à laquelle nous assistons n'est pas due à un manque de talent, mais elle est le résultat d'une conjoncture sociopolitique protégée par les institutions et les autorités. (...)


Dans la société arabe, il est interdit de poser des questions dans n'importe quel domaine. La question dans sa dimension philosophique et culturelle n'est pas appréciée et nuit à la sécurité publique. Quand on commence à poser des questions, les problèmes surgissent. Fussent-elles même des questions simples qui relèvent de la justice, de la liberté, des valeurs morales, de la différence. Celui qui pose des questions est accusé». «Le créateur est partisan du changement, souligne cet enfant rebelle. Le bouleversement le plus important commence par une révolution sur soi pour essayer de changer les évidences inébranlables. L'auditeur doit participer à ce travail de création parce qu'il ne saurait y avoir de musique sans public». D'ailleurs le film Voyageur montre, précisément, l'impact de la musique de ce grand virtuose de l'oud sur les gens: s'appuyant sur les images de ses concerts, la caméra saisit le courant qui passe entre son public et lui.
«Nos lendemains sont incertains, déplore Marcel Khalifé. D'autres ont franchi la galaxie et nous sommes encore à scruter l'astre le plus proche. L'avenir est devenu un mot embarrassant. Nous vivons sous le joug de régimes qui n'ont jamais été capables d'assurer l'avenir des gens. Il n'est pas sage de parler d'avenir alors que nous vivons dans le passé. L'éducation, la santé et la culture sont devenues des projets commerciaux que les responsables veulent privatiser.
Nous sommes privés du droit de recherche, de travail et de production. Nous ne sommes pas en contact avec le monde moderne». L'artiste exhorte les gens à dire «Non» à la misère et à la bassesse: «Pourquoi ne pas suivre cette faible lueur qui pointe dans notre obscurité, et nous lancer dans l'espace de la liberté?
Notre monde qui connaît les moments les plus violents de son histoire est en quête d'amour». C'est que cet artiste exceptionnel n'a jamais baissé les bras. Inlassable, il conclut: «Je suis attaché à ma liberté. La création étant un acte de liberté, je continuerai d'écrire de la musique et veillerai à la protéger».

 


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