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14 Février 2005:
Rafic Hariri assassiné, le Liban menacé
16 Février: recueillement et dignité
Le Liban perd une figure, la France perd un ami
A Paris, 29 Mars 2005 à 19h30
Rassemblement à la mémoire de RAFIC HARIRI pour commémorer la mémoire de Rafic Hariri, 40 jours après son ignoble assassinat et pour exiger la vérité-cliquez pour les détails >>
L'image si féquente de Rafic Hariri sur le perron de l'Elysée , symbole de l'amitié franco-libanaise
Extrait du communiqué de l'Elysée du 16 Février 2005
"Le président de la République se rend à Beyrouth afin de présenter ses condoléances à Mme Rafic Hariri et à la famille" de l'ancien Premier ministre libanais, a indiqué l'Elysée. La présidence française a précisé un peu plus tard que Bernadette Chirac accompagnait le chef de l'Etat à Beyrouth où il devait arriver en début d'après-midi.
Jacques Chirac "rendra hommage à celui qui a toujours incarné la volonté d'indépendance, de liberté et de démocratie du Liban. Il marquera au Liban et au peuple libanais l'amitié indéfectible de la France et du peuple français", a ajouté la présidence de la République.

Deux ans après l'assassinat, les interrogations subsistent
Les pièces du puzzle tardent à s'emboîter

Février 2007- Alors qu'est célébré le deuxième anniversaire de la mort de Rafic Hariri, l'enquête de la commission internationale avance certes. Mais à très petits pas. Des progrès sont surtout remarquables sur le plan technique. Cependant, on ignore toujours qui sont les responsables de l'attentat, même si de multiples thèses surgissent, entretenant le flou et les doutes.
Le 14 février 2005, un attentat à l'explosif tue Rafic Hariri en même temps qu'une vingtaine de personnes, dans le quartier Saint-Georges. Deux ans plus tard, où en est l'enquête? Que sait-on de cet attentat?
MODUS OPERANDI. Les avancées les plus notables de l'enquête résident dans le modus operandi du crime. L'heure de l'attaque a été établie par analyse sismologique à 12h55 et 5 secondes. Il n'y a eu qu'une seule explosion. C'est bien la camionnette Mitsubishi qui transportait l'engin explosif et la détonation est partie de l'intérieur du plateau du véhicule, provoquant un cratère rectangulaire de 40 cm de profondeur. Les échantillons prélevés par les experts ont permis d'établir la présence, en plus d'explosif TNT, d'une grande quantité de RDX, «un puissant explosif pouvant être utilisé seul ou avec d'autres substances, ce qui le rend particulièrement utile, par exemple pour les applications militaires». Un rapport précédent évaluait le poids de l'engin explosif entre 1200 kg et 1800 kg «d'équivalent TNT». L'utilisation d'une télécommande pour déclencher la bombe a été écartée.
La présence de 33 fragments de restes humains à l'emplacement de l'explosion conforte la thèse de l'attentat suicide. Pour les experts, c'est la personne qui se trouvait à l'intérieur ou juste devant la camionnette (en tous cas très proche de l'engin explosif artisanal) qui a fait exploser la bombe. Les enquêteurs examinent, toutefois, encore les allégations, selon lesquelles l'attentat aurait été perpétré par voie aérienne, et devraient affirmer ou infirmer cette hypothèse dans le prochain rapport de Serge Brammertz en mars.
LE KAMIKAZE. L'auteur de l'attentat suicide n'est pas encore identifié. Mais la découverte d'une dent entière, ainsi que 33 fragments de restes humains, devrait permettre d'établir l'origine géographique et ethnique de cette personne de sexe masculin. Selon une première série d'analyses isotopiques, l'individu n'a pas passé sa jeunesse au Liban mais y a vécu les deux ou trois derniers mois avant son décès. Une analyse des cheveux et d'éléments géochimiques est actuellement en cours, pour identifier l'origine géographique précise du kamikaze. En juin dernier, les enquêteurs estimaient déjà, au vu de l'analyse médico-légale, que rien ne donnait à penser que l'explosion aurait pu être déclenchée par Ahmed Abou Adass, le Palestinien qui avait revendiqué l'attentat par voie de vidéo et qui a disparu. Mais il est suspecté d'être impliqué dans l'une ou l'autre des phases de l'attentat. «La commission s'efforce d'établir comment, où, quand et par qui Ahmed Abou Adass a été recruté et ce qu'il est advenu de lui». Elle continue aussi de s'intéresser «à des personnes et à des groupes se trouvant au Liban et ailleurs, et notamment au groupe qui a, sur l'enregistrement vidéo d'Abou Adass, revendiqué la responsabilité de l'attentat».
LES MOBILES. Le dernier rapport de Brammertz, remis en décembre 2006, offre plusieurs alternatives. La commission a, en effet, examiné de nombreuses hypothèses concernant les mobiles de l'assassinat de Rafic Hariri: «Il aurait été tué par un groupe extrémiste en raison de ses liens avec d'autres Etats de la région et de l'Occident; on lui reprochait sa position concernant la résolution 1559 (2004) du Conseil de sécurité; la prorogation du mandat du président libanais aurait joué un rôle; il fallait tuer Hariri avant les élections de mai 2005 qu'il risquait de remporter; on lui reprochait ses liens avec le quotidien an-Nahar ou, encore, il allait dévoiler des malversations financières à grande échelle à la banque al-Madina». La liste, d'ailleurs, n'est pas exhaustive et Brammertz n'exclue pas l'intervention de plusieurs mobiles à la fois. Tout comme une mise en scène pour faire porter le chapeau à certains: «Selon une autre hypothèse, les auteurs de l'attentat auraient appelé l'attention sur les mobiles apparemment évidents pour faire accuser d'autres personnes et ainsi se couvrir». Toutes les pistes restent ouvertes.

Un assassinat préventif
QUI SONT LES COMMANDITAIRES? À QUI PROFITE LE CRIME? La question est toujours posée. La Syrie, immédiatement accusée après l'assassinat, ne fait plus consensus dans l'opinion publique. Des experts et journalistes se demandent si cette évidente culpabilité de la Syrie n'est pas justement l'objectif poursuivi par les réels assassins. Dès mars 2005, Ignacio Ramonet interroge, dans le Monde Diplomatique: «Ceux qui ont tué Rafic Hariri savaient-ils qu'ils offraient symboliquement sur un plateau, à la communauté internationale, le destin du régime syrien?». Certains se mettent alors à fouiller d'autres pistes. Wayne Madsen, journaliste américain affirme que, selon ses sources, l'assassinat a été ordonné par les néo-conservateurs israéliens et américains pour forcer les troupes syriennes à quitter le Liban, puis manigancer des guerres avec le Hezbollah, la Syrie et l'Iran. Jürgen Cain Külbel, un journaliste allemand, ancien enquêteur criminel en ex-Allemagne de l'Est, pourfendeur des investigations onusiennes, parce que convaincu qu'elles ne suivent que la piste syrienne, voit la main du Mossad dans cet assassinat.

La coopération internationale
Joe Bahout nourrit une théorie plus «nébuleuse», selon ses propres dires. Pour cet enseignant et chercheur associé à Sciences po-Paris, l'assassinat de Rafic Hariri doit se comprendre dans le contexte de la chute de Bagdad et de la résolution 1559. «Plusieurs questions se posent. Est-ce un jeu libanais interne? C'est trop court et insuffisant. En faisant voter la prorogation du mandat présidentiel d'Emile Lahoud, les Syriens ont obtenu ce qu'ils voulaient. Rafic Hariri l'a fait, comme le souhaitait la Syrie, donc il n'y a pas de rapport avec l'assassinat. Il est plus plausible qu'il y ait un rapport avec la résolution 1559. Le régime syrien est devenu hors la loi pour la communauté internationale avec l'adoption de cette résolution. Pour le régime syrien, Rafic Hariri était une tête de pont, un fer de lance sunnite syrano-libanais. Il a pu être assassiné en prévention. Si son assassinat est un complot, Hariri a donné un prétexte d'étrangler la Syrie. Les conséquences du meurtre de Hariri ont été des tensions sunnito-chiites au Liban, tout comme en Irak et en Palestine. Pour Joe Bahout, la question «à qui profite le crime» est trop simpliste. «Est-ce que les Américains néo-conservateurs et la branche israélienne aux Etats-Unis auraient poussé les Syriens à exécuter ce crime? Pour profiter de mettre la Syrie au banc des nations et éliminer quand même un personnage important sur la scène syro-libanaise qui aurait pu jouer un rôle transcommunautaire? Et à la fois, d'engager un conflit en Irak?». Avec Rafic Hariri toujours vivant, il y aurait eu un compromis, une médiation possible, pense Joe Bahout.
Bref, les théories s'échafaudent, mais aucune preuve irréfutable n'a encore été apportée. Et si les commanditaires de l'assassinat de Rafic Hariri sont une vaste toile d'araignée mondiale, une «énorme joint-venture», comme la qualifie Joe Bahout, l'enquête internationale ne peut qu'être freinée. Notamment sur la coopération de certains pays à l'enquête. Dans le dernier rapport, Brammertz notait justement: «A la fin de la période couverte par ce rapport, les réponses à 22 demandes envoyées à 10 Etats-membres différents n'ont pas été fournies à temps. Le manque de réponse de certains Etats a de sérieuses conséquences en termes de délai de travail pour la commission et de progrès de l'enquête». Et apparemment, la Syrie ne fait pas partie des pays visés, puisque Brammertz écrit: «La commission est satisfaite de la diligence avec laquelle la République arabe syrienne a donné suite à ses demandes, ainsi que des dispositions logistiques et des mesures de sécurité qui ont été prises. L'assistance fournie par la République arabe syrienne au cours de la période considérée reste dans l'ensemble satisfaisante». La Russie a, d'ailleurs, demandé à Serge Brammertz de divulguer les noms de ces pays. Le quotidien
al-Akhbar révèle, dans son édition du 12 janvier, le nom de neuf pays qui ne collaborent pas correctement à l'enquête. Selon ses informations, ce seraient les Etats-Unis, Israël, la France (qui refuse de livrer le témoin Mohammad Zouhair el-Siddiq), l'Allemagne (qui exclut de livrer des informations collectées par l'équipe précédente de Detlev Mehlis), l'Australie, l'Arabie saoudite, le Koweït, les Emirats arabes unis et le Brésil (qui n'a pas donné d'informations sur l'enquête menée sur Rana Koleïtat, l'ancienne directrice de la banque al-Madina, arrêtée au Brésil).
Deux ans après l'assassinat de Rafic Hariri, une bonne partie des pièces du puzzle semblent être là. Mais elles n'ont toujours pas été correctement emboîtées. Le mandat de la mission de Serge Brammertz arrive, quant à lui, à terme en juin. L'investigation ne sera toujours pas bouclée. Et Brammertz ne poursuivra pas l'enquête. Elle sera confiée à un nouveau chef de mission.


Rafic Hariri et la francophonie

Rafic Hariri, fils de la ville de Saïda, le musulman sunnite, l’anglophone, était attiré par la francophonie. Il avait choisi Paris comme résidence et se plaisait à user de la langue française comme preuve de sa réussite dans la vie. Il la parlait sans complexe, d’une façon tellement naturelle, et avec une telle facilité et une telle aisance que vous aviez l’impression qu’il la maîtrisait à la perfection et que sa pensée était directement programmée dans cette langue.
Ce n’est pas par hasard s’il a acheté une société française, OGER, et en a fait un empire, et s’il a choisi la Ville lumière pour y installer une branche de la fondation qui porte son nom couvrant l’Europe et l’Afrique du Nord.
Ce n’est pas un hasard s’il avait inscrit ses enfants dans une école française. Je me souviens de ce jour où il a accompagné sa fille au test qu’elle devait passer avant d’entrer dans sa nouvelle école. L’attendant comme tout père de famille, mi-inquiet, mi-rassuré, dans le couloir des classes, il me dit : « Comme j’aurais souhaité m’inscrire, moi-même, dans cette école et apprendre les secrets de la langue française. »
La relation qu’il entretenait avec l’actuel chef d’État français est certes privilégiée. C’est qu’elle a débuté très tôt, alors que Jacques Chirac était encore maire de Paris. Je me souviens de sa première rencontre avec lui. Je l’ai attendu dans un salon alors qu’il était en tête à tête avec le maire. C’était la période de Kfarfalous. Le courant est vite passé entre eux. Je devais revenir plus tard transmettre à Jacques Chirac une demande de Rafic Hariri pour essayer d’intervenir afin de dénouer la situation qui prévalait dans cette région. Tout de suite, Chirac me promit de se mettre immédiatement en contact avec les différentes parties et avec le Saint-Siège. Malheureusement, c’était trop tard et Kfarfalous tomba, et ce qui devait être le joyau de Rafic Hariri sombra à son tour dans l’abîme.
Si le IXe Sommet de la francophonie a eu lieu à Beyrouth, c’est grâce à lui. Il a arraché aux chefs d’Éta et de gouvernement présents à Hanoi, lors du VIIe sommet, la décision de tenir leurs assises à Beyrouth quatre ans plus tard, car le prochain sommet était déjà programmé ailleurs. Jamais dans l’histoire des sommets de chefs d’État, quels que soient ces sommets, une décision n’a été prise concernant le lieu de la rencontre qui suivrait le prochain sommet. Son rayonnement au Sommet de Beyrouth était incontestable, comme il le fut plus tard au Sommet des chefs d’État des pays arabes qui prit le nom de Sommet de Beyrouth.
Décidément, quel charme elle a, cette francophonie ! Une famille qui réunit des États qui ont en commun une culture, et c’est cette culture qui les amènera à passer d’une simple « agence de coopération culturelle et technique » à une « organisation internationale de la francophonie » avec un visage, celui d’un secrétaire général dont la fonction essentielle est de créer des liens politiques entre des États qui ont commencé par se rencontrer tout naturellement autour de Victor Hugo, de Molière, de Kadare, de Charles Hélou, pour arriver, espérons-le, à cette solidarité qui devait, à sa façon, être profitable à la paix mondiale. Rafic Hariri était dans son élément parmi eux. Il s’est fait beaucoup d’amis parmi ses membres, qui avaient beaucoup d’estime pour lui et pour son pays, le seul pays francophone de notre région.
En cette Journée de la francophonie, une pensée pieuse pour Rafic Hariri s’impose tout naturellement, qui vient s’ajouter aux nombreux temoignages qui rendent cet homme exceptionnel après sa disparition tout autant qu’il l’a été dans sa courte vie.

Bassam TOURBAH à l'occasion de la journée mondiale de la Francophonie
le 20 Mars 2006

Il était une fois Rafic Hariri
assassiné le 14 Février 2005

Au revoir...


L'ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri, musulman sunnite, restera comme un architecte de la reconstruction économique du Liban et un patriote qui s'était difficilement accommodé de la tutelle syrienne dans son pays. Agé de 60 ans, il était passé dans l'opposition en octobre 2004 après avoir présenté la démission de son gouvernement à la suite de la reconduction du mandat du président Emile Lahoud imposée par Damas. Il avait fait fortune en Arabie saoudite avant de se passionner pour la politique et d'accéder au pouvoir au Liban pour la première fois en 1992. Rafic Hariri avait été le locataire du "Sérail", siège des bureaux du Premier ministre à Beyrouth, de 1992 à 1998 puis de 2000 à 2004. Sorti grand vainqueur avec ses alliés des dernières législatives en 2000, il avait rassemblé autour de son nom une écrasante majorité de députés (107 sur 128).


Photo Wissam Moussa

17 Février 2005
« Allah Akbar »,
« Vive Chirac, vive la France », « Syria out ».


Ces trois slogan-messages, qui résument l’âme du Liban souverain, pluriel et trilingue, le président français Jacques Chirac les a entendus tard en soirée dans le centre-ville, scandés avec rage et détermination par des Libanais, alors qu’il clôturait sa visite de condoléances à Beyrouth par une ultime révérence devant la tombe de son ami Rafic Hariri (notre photo Wissam Moussa). M. Chirac, qui a totalement occulté le Liban officiel durant son passage, a qualifié de « crime d’un autre temps » l’attentat qui a coûté la vie à son compagnon. Le chef de l’État et son épouse Bernadette, l’air grave et empreint de tristesse, ont fait preuve d’un formidable soutien à Nazek Hariri et à ses enfants.
Chirac et Hariri, compagnons pour toujours...
Rafic, le compagnon...
Rafic en arabe se traduit par Compagnon en français

Jacques Chirac a marqué au Liban et au peuple libanais
l'amitié indéfectible de la France et du peuple français"


«Nos ancêtres les Gaulois étaient grands et blonds... » La phrase est devenue un cliché monumental pour désigner le patrimoine français, plusieurs fois centenaire.
Cette formule, quelque peu anecdotique pour les Libanais, est pourtant bien réelle : il fut en effet un temps où nos parents, sur les bancs des écoles, l’apprenaient dans les manuels scolaires. Ce qui, en revanche, n’est pas une fantaisie de l’esprit, c’est le caractère ancestral des relations libano-françaises, réaffirmé une fois de plus hier comme à chaque fois que le Liban traverse des heures graves. L’ironie veut que la France soit indissociablement liée à l’histoire du Liban, qu’elle soit immédiatement rappelée à jouer un rôle de premier plan, sinon le rôle principal, dès lors que l’entité libanais se retrouve malmenée, ébranlée, menacée. Par un étrange et paradoxal concours de circonstances, l’indépendance du Liban n’est-elle pas née (de la fin) du mandat français ? La France, certains leaders de l’opposition nationale honnêtes et conséquents avec eux-mêmes le reconnaissent bien volontiers aujourd’hui, ne nous a-t-elle pas laissé des institutions, une culture de la démocratie et des droits de l’homme uniques dans le monde arabe ? Des institutions qu’une occupation unanimement réprouvée aujourd’hui, tant sur le plan local qu’international, s’est acharnée à détruire en un quart de siècle ?
C’est toute l’histoire contemporaine du Liban, faite d’un cumul de souffrances, de drames, d’espoirs écrasés et d’illusions perdues, qui a défilé hier, en vitesse accélérée, sous les yeux du président français Jacques Chirac, en visite de condoléances à Beyrouth, à la suite de l’attentat odieux qui a emporté son compagnon Rafic Hariri. L’espace manque pour répéter tout ce que la France, et tout particulièrement Jacques Chirac, dans le plus pur esprit du général de Gaulle et de son amour particulier pour le Liban, ont fait pour le pays du Cèdre au fil des années et des circonstances. Le plus grand paradoxe aura sans doute voulu que toute la stature de chef d’État et de leader international du président français se manifeste pleinement, d’une manière on ne peut plus éclatante, dans un moment aussi tragique, celui de la perte de Rafic Hariri. Leader international, Jacques Chirac l’est devenu sans conteste en étant l’un des rares responsables, sinon le seul, à réussir la jonction entre l’Occident et l’Orient en ces temps de folie furieuse où l’on assène aux peuples du monde entier, de Manhattan à Bagdad, en passant par Ramallah, ce dogme abusif, excessif du choc des civilisations. Ce sans-faute, qui s’est traduit tant lors de la guerre irakienne qu’au moment de l’agonie de Yasser Arafat, devait donner à Chirac une tout autre dimension, dépassant de loin les limites de l’Hexagone, de l’Europe ou de l’Occident.

Hier, Jacques Chirac a démontré une nouvelle fois qu’il était aussi le principal garant de la pérennité, de la souveraineté et de l’indépendance du Liban. L’accueil qu’il a reçu en soirée au centre-ville, un moment intense conciliant le dramatique au patriotique dans une rencontre bien orientale, le prouve bien. « Allah Akbar », « Vive Chirac, vive la France », « Syria out ». Ce testament posthume, que Rafic Hariri n’aurait pas désapprouvé, a parfaitement résumé la visite libanaise de six heures du chef de l’État français. Et puis cette révérence ultime devant la tombe de l’ancien Premier ministre. Mais la visite de Chirac a aussi et surtout mis en exergue ses qualités d’homme, d’humaniste. Profondément ému aux différentes étapes de son parcours, le président français a tenté de soutenir, à Koraytem, la famille de son ami disparu. Il s’est ainsi réuni durant trois heures de temps dans les appartements privés des Hariri avec tous les membres de la famille. Les accolades paternelles avec Saadeddine, Bahaeddine et Fahed Hariri, la pudeur empreinte de douleur, de consternation et d’impuissance devant le drame de Nazek Hariri, qu’il a cherché à consoler dans une étreinte fugitive et pleine de retenue... Nazek Hariri, éplorée par sa perte incommensurable et qu’il devait à nouveau soutenir devant la tombe de son mari, au centre-ville...



Rafic Hariri reçu à l'Elysée le 17 Avril 2004
photo F.Périer -service photographique de l'Elysée

Jacques Chirac a reçu chez lui, au cours des six derniers mois, trois des principaux protagonistes libanais de la lutte pour le rétablissement de la souveraineté libanaise, Rafic Hariri, Walid Joumblatt et le patriarche Sfeir, martelant à chaque fois l’attachement de la France à l’application de la 1559 et au retrait des forces syriennes du Liban. Marwan Hamadé, autre artisan de la souveraineté, a été décoré par la France il y a quelques jours au lendemain de son attentat. Hariri a été lâchement assassiné, la vie de Joumblatt serait « très gravement menacée », selon des sources très proches du leader du PSP qui étaient présentes hier à Koraytem. Son sort et celui des autres membres de l’opposition nationale, dont un grand nombre présentaient leurs condoléances hier à la famille du « zaïm » national à l’heure même où M. Chirac était à l’étage supérieur avec Mme Hariri, dépend de la volonté internationale à mettre fin à la barbarie qui décime les Libanais depuis plusieurs années déjà. L’idée d’une éventuelle protection ou intervention internationale a d’ailleurs dû être l’objet de l’entretien d’une heure entre MM. Joumblatt et Hamadé, et le conseiller diplomatique du président français, Maurice Gourdault-Montagne, au domicile du défunt.
Pour bon nombre de Libanais, reconnaissants à Jacques Chirac de « les avoir compris » comme de Gaulle à Alger, le président français est devenu beaucoup plus qu’un soutien : un véritable symbole dont ils ont acclamé le nom plusieurs fois hier. Acclamation associée d’une revendication sans appel, que Paris, à n’en point douter, a bien entendue et bien comprise : « La Syrie dehors. »


Michel HAJJI GEORGIOU 17 Février 2005



Notre Page
"Jacques Chirac et le Liban"

d'Octobre 2002 à Février 2005


Alors que les obsèques populaires de Rafic Hariri se dérouleront au Centre-ville de Beyrouth, vers midi, à la grande mosquée Al-Amine dans les jardins de laquelle il doit être inhumé,
Une messe de requiem pour le repos de l'âme de l'ancien Premier Ministre libanais Rafic HARIRI et ses compagnons aura lieu à Paris le jour même,
Mercredi 16 février à 19h
Notre Dame du Liban 15 rue d'Ulm 75005 Paris *


Jacques et Bernadette Chirac,venus en amis à Koraytem le 16 Février,
présenter leurs condoléances à Nazek Hariri
Ci-dessous, dans la soirée, douleur et recueil sur la tombe au Centre Ville de Beyrouth



Texte de l'homélie de Mgr Saïd pour le président Hariri
à l'occasion de la messe du 16 Février à
Notre Dame du Liban à Paris

« Ce qui compte c'est de croire »

M. le Président de la République Française l'a réaffirmé ce matin en déplaçant le conseil des Ministres , en exprimant en Conseil son attachement à un Liban souverain, indépendant et libre, et en allant avec son épouse Mme Bernadette CHIRAC à Beyrouth proclamer son espérance contre toute espérance. Car le Premier Ministre, Rafic HARIRI a payé, de sa vie, sa foi en un Liban qui est plus qu'un pays, en un Liban message de Paix et de convivialité, pour l'Orient comme pour l'Occident. Et Dieu donnera au Liban et à son peuple, soutenus par tous les hommes et femmes de bonne volonté et de tous bords, de livrer au monde ce signe miraculeux de la résurrection de ses cendres : car le sang des martyrs pour le Liban est avant tout semence de croyants en la pérennité du Liban et de sa vocation.

Chers amis, Notre assemblée en prière ce soir, Libanais, Français et Arabes, de toutes nationalités et confessions est un acte de foi d'espérance et de charité de portée historique :

- Nous nous repentons, devant Dieu et devant les hommes, de toutes nos divisions, de toutes nos inimitiés pourvoyeuses de mort et de destructions ;
-Nous nous convertissons à Dieu et à nos prochains dans l'humilité émerveillée de coeurs d'enfant contrits ;
- Nous sommes et serons toujours dorénavant des artisans de paix et de convivialité : nous aimerons nos ennemis pour les désarmer ; nous nous donnerons un geste de paix pour cultiver la fraternité ;
nous rebâtirons le Liban la main dans la main pour que le monde ne perde point son âme et poursuive inlassablement son action de grâces ou Bien, au Beau et au Vrai.

Beyrouth, vue de là-haut...

Dossier : Assassinat de Rafic Hariri
J.Chirac avec Ayman Hariri l'un des fils de Rafic Hariri  lors de son arrivée à l'AIB
Amitié
Démonstrations Anti-syriennes lors du cortège, dans le calme et la dignité
Dignité
Les Libanais de tous rangs et confessions unis dans la douleur et le souvenir
Unité

Photos AFP-Joseph Barrak-Beyrouth

Les principales dépêches et analyses pour comprendre
Photo Reuters 14-02-2005

Le clan Hariri désavoue le pouvoir en annonçant des obsèques "populaires" pour le le mercredi 16 Février 2005

Des obsèques "populaires" et non officielles sont prévues mercredi à Beyrouth pour Rafic Hariri, assassiné lundi, la famille de l'ex-Premier ministre libanais ayant fermement refusé que l'Etat prenne en charge leur organisation, a-t-on appris auprès de ses proches. "Les funérailles seront populaires, ainsi en a décidé la famille. La sécurité et l'ordre public relèvent de la responsabilité du pouvoir", a affirmé à la presse l'ex-ministre des Finances Fouad Saniora, un proche collaborateur de Hariri. Selon lui, "la sécurité des personnalités étrangères" qui assisteront aux funérailles est également "de la responsabilité de l'Etat". "La famille a refusé de façon catégorique" que les obsèques soient organisées par l'Etat, a pour sa part indiqué à l'AFP un journaliste proche de la famille. "Rien ne peut empêcher qu'un ministre ou toute autre personnalité du pouvoir participe aux obsèques car la mosquée est ouverte à tout le monde", a-t-il ajouté.
Les dignitaires du régime, notamment le président Emile Lahoud, ne se sont pas montrés au domicile de l'ancien Premier ministre. Le gouvernement avait annoncé lundi des "funérailles nationales" pour Hariri et décrété trois jours de deuil officiel et de fermeture des institutions publiques et privées. A la veille des obsèques, des manifestations se sont déroulées un peu partout dans le pays, avec des accusations lancées contre la Syrie, tenue par beaucoup pour responsable de l'attentat.

Lundi, des manifestants avaient été empêchés de justesse par les forces de l'ordre de saccager le siège à Beyrouth de la branche libanaise du parti Baas, au pouvoir en Syrie. Mardi, des ouvriers syriens ont été battus à Saïda (40 km au sud de Beyrouth), la ville natale de Hariri, par des manifestants en colère. Quelque 5.000 personnes ont également manifesté mardi à Tripoli (nord), proche de la frontière syrienne. Les manifestants ont notamment réclamé la démission du gouvernement pro-syrien d'Omar Karamé, originaire de cette ville. A Beyrouth, le ministre de l'Intérieur Soleiman Frangié a assuré qu'"il n'y aura pas friction avec les forces de l'ordre, qui respecteront la liberté d'expression" des gens, tout en mettant en garde contre les atteintes à la sécurité. Hariri, qui avait démissionné de son poste de Premier ministre en octobre 2004, s'était sensiblement rapproché de l'opposition qui réclame le départ des soldats syriens, tout en continuant de défendre des relations normalisées avec Damas. Le refus de la famille Hariri de voir l'Etat organiser les obsèques et rendre les hommages officiels d'usage est soutenu par l'opposition et par le bloc parlementaire de l'ex-Premier ministre, qui compte 18 députés.
S'exprimant au nom de ce bloc, le député Walid Ido a dit leur refus de voir le gouvernement pro-syrien participer aux obsèques prévues mercredi, en le tenant responsable de sa mort. "Nous demandons que ce pouvoir ne participe pas aux funérailles", a-t-il lancé. Une tel refus de voir l'Etat participer à l'organisation des funérailles est un événement rare, d'autant plus que Hariri revêt une stature internationale du fait de ses amitiés dans le monde arabe et en Occident.
De fait, sa dépouille sera portée par ses fils et ses proches qui se rendront mercredi matin à pied de son domicile à la grande mosquée Mohammad Al-Amine encore en construction et qu'il devait prochainement inaugurer dans le centre de Beyrouth, où aura lieu l'inhumation.
Mardi, quelque 200 ouvriers s'activaient en toute hâte à rendre la mosquée, flanquée de quatre immenses minarets, prête à accueillir la dépouille de son bâtisseur.


Le Liban en état de choc après la mort de Rafic Hariri
Les écoles, universités, commerces, banques, bureaux sont restés fermés à la veille des obsèques , sur l'ordre des pouvoirs publics, alors que l'opposition a appelé à une grève générale. Un deuil national de trois jours a été décrété par le gouvernement. L'armée a été déployée dans les rues de Beyrouth afin de contenir tout débordement.

Saad al-Din, le fils de Rafic Hariri, est venu aujourd'hui se recueillir à l'endroit où l'attentat a tué son père, dans le quartiers des grands hôtels. (Photo AFP)

La capitale libanaise donnait l'aspect d'une ville fantôme en état de siège avec les unités de l'armée libanaise déployée dans la ville. Le commandement de l'armée libanaise a annoncé hier avoir décrété la mobilisation générale et pris des mesures dans plusieurs régions pour «sauvegarder la stabilité» du pays. Dès lundi soir, tout attroupement a été interdit. Les forces de l'ordre ont empêché des manifestants de saccager une permanence de la branche libanaise du parti Baas au pouvoir en Syrie. Dans le quartier des grands hôtels sur le bord de mer, un cratère de 5 mètres de diamètre et de deux mètres de profondeur atteste de la puissance de l'explosion. Des employés d'une société d'éboueurs s'employaient à enlever les débris de verre qui jonchent la chaussée du bord de mer, jusqu'au quartier commerçant de Hamra. Quelques passants et curieux observaient la scène de désolation sur les lieux de l'attentat. Des gens prenaient des photos. Un attroupement qui s'était formé a été rapidement dispersé par des soldats de l'armée qui enjoignaient aux curieux de circuler, leur rappelant que les attroupements sont interdits. Les obsèques de l'ancien premier ministre doivent avoir lieu mercredi à midi Beyrouth, a indiqué un de ses proches.
Plusieurs quotidiens libanais estimaient que l'attentat et la mort de Rafic Hariri, considéré comme le père de la reconstruction économique et politique libanaise, plongeaient ce pays déboussolé dans une période de profonde incertitude. «Hariri est mort en martyr et le Liban est plongé dans la tourmente», estimait en manchette le quotidien As-Safir. «D'un coup et par une seule explosion, le Liban a été décapité. Il apparaît comme un pays sans tête, livré à tous les vents et l'espoir qu'il retrouve sa place et son rôle de phare de l'Orient s'est écroulé», ajoute le journal. «Ils veulent tuer l'espoir», titre le quotidien francophone l'Orient le Jour, pour lequel «c'était sur Rafic Hariri que les Libanais comptaient pour voir leurs pays remonter la pente». Le journal publie en première page un appel de Walid Joumblatt, figure de proue de l'opposition invitant «le peuple Libanais à tenir face à ce régime d'assassins».
Pour An Nahar, organe de l'opposition, «l'enfer s'est de nouveau emparé de Beyrouth». Il appelle les Libanais à «surmonter l'épreuve et faire du sacrifice de Hariri une nouvelle résurrection en chassant par des élections libres le pouvoir en place» et en demandant une «protection internationale».
Pour le Daily Star (anglophone), «le Liban qui a renoué avec les pires moments de la guerre civile risque de nouveau d'être plongé dans les ténèbres».
Al Moustaqbal, qui appartient à l'homme d'Etat assassiné, affirme que Rafic Hariri «est mort en martyr pour le Liban» et publie en première page les accusations de l'opposition qui ont rejeté sur la Syrie et le pouvoir libanais qui lui est inféodé la responsabilité de cet assassinat.


L'image de l'horreur, plus jamais çà!

La mort de Rafic Hariri: un retentissement international,
l'exemple de l'analyse de la presse arabe francophone algérienne


Le Liban au centre des convoitises

La mort de l’ancien Premier ministre libanais, Rafik Hariri, tué dans un attentat à la voiture piégée, n’a pas manqué dès les premiers instants de refaire planer le doute et la peur d’un retour à l’instabilité dans un pays à peine remis des conséquences de la guerre civile qui l’a ruiné pendant près d’une décennie et demie (1975-1990).
Instabilité d’autant plus que c’est Rafik Hariri, qui incarnait l’un des grands formats des images de reconstruction du Liban. De 1992 à 2004, il a dirigé le gouvernement de son pays qu’il a voulu faire sortir de sa crise économique en multipliant les tentatives d’y amener les investisseurs libanais et étrangers. La mort violente de Hariri a réveillé les douloureux souvenirs des attentats à l’explosif dans ce pays. Citons le cas de Béchir Gemayel, président élu du Liban, tué en 1982, et celui du Premier ministre sunnite Rachid Karamé -comme Hariri- qui a été assassiné en 1987.
Mais, au-delà des tensions politiques internes au Liban et de sa fragile unité nationale, c’est le contexte régional et international qui fait de cet attentat un événement qui peut s’avérer plus qu’important. Un contexte marqué surtout par les pressions exercées sur l’influente Syrie, notamment après la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) la sommant de retirer ses troupes du Liban où demeurent déployées une quinzaine de milliers de soldats syriens. La Syrie voisine, suivant une politique d’influence forte exercée par Damas sur Beyrouth -perpétuée par Bachar Al Assad sur les traces de son défunt père-, et bien qu’elle ait dénoncé par le biais de son Président un « terrible acte criminel », risque, au même titre que le Liban lui-même, de connaître, après cet attentat et le débat qu’il induit déjà, une accentuation des pressions pour l’amener à se retirer définitivement des territoires libanais bien que les accords de Taef soulignaient un retrait syrien jusqu’à l’est de la plaine orientale du Liban seulement. L’Iran, qui « condamne avec vigueur l’action terroriste » d’hier, reste, outre la Syrie, une influence étrangère certaine via le Hezbollah fortement implanté notamment au Liban-Sud. Dans le brassage politique et social de la région, les Palestiniens sont nombreux à s’implanter au Liban.
Après l’attentat, l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas a dénoncé « un crime contre le peuple libanais ». De son côté, l’Irak de Iyad Allaoui a condamné l’assassinat de Rafik Hariri : « Cet acte lâche perpétré par des mains terroristes. » La Jordanie souligne « condamner fermement ». La Turquie, un peu plus au nord, dénonce « avec vigueur » cet acte ayant visé Hariri. L’Arabie saoudite déclare rejeter de « tels actes terroristes ». Le voisin israélien pointe du doigt la Syrie. « Je ne peux dire avec certitude que la Syrie est derrière cet attentat, mais il y a dans la région beaucoup de groupes qui auraient pu le commettre », a déclaré hier le chef de la diplomatie israélienne Sylvan Shalom. Les Etats-Unis, première puissance mondiale et acteur actif dans la région du Proche et du Moyen-Orient, placent la Syrie et l’Iran dans le collimateur. Ce qui s’est passé hier au Liban a évidemment fait réagir Washington. Ainsi, la Maison-Blanche n’a pas tergiversé pour dénoncer l’attentat et demander à ce que le peuple libanais puisse vivre dans un pays « libre de l’occupation syrienne ». L’Union européenne, elle, condamne le « méprisable » attentat qui a coûté la vie à l’ancien Premier ministre libanais. En somme, l’attentat ayant secoué hier Beyrouth et laissé les Libanais sous le choc intervient, comme le rappellent les réactions des uns et des autres, dans une conjoncture de tensions entretenues et alimentées pour des visées et des intérêts parfois diamétralement opposés dans une région suscitant des convoitises à n’en plus finir.
Hariri, l’architecte de la reconstruction du Liban
Il a été le chef de file de 5 gouvernements, avant de démissionner en octobre dernier. Enfant d’un ouvrier agricole, Rafik Hariri, c’est de lui qu’il s’agit, a vite fait de gravir les échelons dans la société libanaise. A 18 ans, il émigre en Arabie saoudite où il enseigna les mathématiques dans un lycée. Il se lancera par la suite dans l’immobilier et gagnera vite la confiance de la famille royale saoudienne qui a jugé qu’il avait tenu tous ses engagements en matière de respect des délais de construction d’édifices. C’est d’ailleurs en Arabie saoudite qu’il constituera sa fortune, estimée à 10 milliards de dollars. Il est le fondateur et propriétaire de Future TV de Radio Orient et du journal El Mostaqbal.Qualifié de l’architecte de la reconstruction du Liban, cet enfant de Saïda s’est passionné pour la politique dont il fera sa vocation. C’est ainsi qu’il brigue la députation et en sort vainqueur. Il préside alors le gouvernement libanais en 1992. Il le dirigera d’ailleurs jusqu’en 1998. Et pendant ces six ans, un peu plus qu’un mandat présidentiel, il s’attellera à panser les blessures d’une population éprouvée par plus de quinze ans de guerre civile. Il ne lésinera pas d’économie d’énergie en sillonnant beaucoup de pays pour convaincre d’aider au financement de la reconstruction du Liban à travers des investissements directs. Ce qui ne se fera pas sans que ce pays en paie, d’une autre manière, le prix fort. En effet, c’est en 2002 à Paris qu’il obtint le O.K. de la communauté internationale à condition qu’il engage de véritables réformes économiques, avec en priorité la privatisation de plusieurs entités économiques publique. Mais il n’aura pas la chance de savourer son œuvre de remise sur pied du pays. Ses efforts n’auront pas suffi à faire relever le Liban qui croule toujours sous le poids de 35 milliards de dollars de dette, soit le double de son produit intérieur brut.
Ses conflits politiques avec le président libanais, conjugués à l’influence de la Syrie, dont il demandera une fois passé à l’opposition le retrait des troupes de son pays, le pousseront à la porte. Il démissionne donc et privilégie l’action politique dans l’opposition. Rafik Hariri a été accusé par ses adversaires d’avoir plongé dans la corruption et les malversations. Il a été tué hier dans un attentat à la voiture piégée en plein Beyrouth. Un attentat encore inexpliqué et non revendiqué. Ce d’autant que, compte tenu de la situation complexe de la région, toutes les hypothèses sont possibles. D’ailleurs, les Etats-Unis n’ont pas hésité à accuser la Syrie d’être derrière ce massacre, alors que l’Iran pointe son doigt vers Israël, qui voit dans le Hezbollah libanais l’auteur principal.


Par Y. Hamidouche, F. Ababsa, La Tribune (Alger)
"L'autre regard sur l'info"

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Qui a ordonné l'attentat contre Rafic Hariri?
Si l'opinion la plus répandue à chaud désigne la Syrie comme le commandidaire de cet acte ignoble, il n'est pas interdit (espérons-le!..) d'évoquer d'autres pistes de réflexions car nul ne peut contester que la situation nouvelle qu'il engendre ne conforte pas les pouvoirs syriens et libanais actuels.
Alors, "à qui profite vraiment le crime" n'est-il pas la question basique à se poser?
En attendant, voici deux interprétations argumentées mais bien-sûr opposées pour vous aider à vous faire une opinion
"La fuite en avant de la Syrie"
Pour Antoine Basbous, fondateur de l'Observatoire des Pays Arabes basé à Paris et consultant auprès de nombreux médias, l'implication de la Syrie dans l'attentat contre Rafic Hariri est certaine.


La Syrie et Israël sont désignés comme les éventuels responsables de l'attentat dans lequel Rafic Hariri a trouvé la mort. Quel est votre sentiment ?

Antoine Basbous: La Syrie ne supporte pas l'idée d'un axe patriotique au Liban avec des chrétiens, des musulmans, des hommes de droite et de gauche, qui se rallient à la résolution 1559 du Conseil de sécurité de l'ONU et qui réclament son départ. Dans ce contexte, j'exclus complètement l'hypothèse d'Israël et je ne regarde que du côté de la Syrie. Pourquoi s'en prendre justement
à Rafic Hariri ?

Pour la Syrie, Hariri tenait le rôle du traître. Il soutenait la résolution et il apportait le poids majeur de la communauté sunnite à cette demande de retrait. En même temps, Rafic Hariri représentait une capacité de nuisance énorme : il y avait dans son agenda les numéros de téléphone d'une cinquantaine de chefs d'Etat, de George W. Bush à Jacques Chirac en passant par Schroder ou Moubarak. C'était un capital important pour la résurrection du Liban dans l'hypothèse où la résolution 1559 serait vraiment appliquée. Pour la Syrie, il fallait absolument casser cette dynamique. Il fallait réintroduire la peur, terroriser tous ceux qui réclament son départ en frappant fort. C'est pour cette raison qu'elle a visé l'homme que l'on croyait à l'abri d'une attaque parce qu'il était l'ami des grands de ce monde. Fallait-il s'y attendre ?
Les Français et les Américains avaient mis en garde la Syrie contre toute attaque contre les membres de l'opposition libanaise. Deux noms avaient tout particulièrement été cités : Hariri et Joumblatt.
Dans ce cas-là, les Syriens auraient pris un gros risque ?
Pour la Syrie, accepter le retrait, c'est de toute façon prendre un très gros risque. Si elle quittait le Liban, elle se priverait de toutes les recettes qu'elle tire de ce pays. Elle se priverait de ce rayonnement, de cette carte majeure que lui procure cette occupation. Du coup, le régime minoritaire syrien perdrait sa raison d'être et tomberait. Là, il tente le tout pour le tout. La Syrie se lance dans une fuite en avant pour pouvoir dire aux Occidentaux : « Nous ne sommes plus sur le plan politique et diplomatique, nous sommes dans un concours de sang. Voilà de quoi nous sommes capables. Quelle est votre réponse ? »
Quelle peut être la réponse du Liban ? L'opposition a eu le courage d'accuser les Libanais et les Syriens de cet assassinat, de demander qu'ils ne soient pas présents aux obsèques et de continuer à réclamer le retrait des Syriens. Les opposants prennent des risques. Ils ont du courage. Maintenant, il va falloir organiser les élections parce qu'en s'attaquant à Hariri, les Syriens ont aussi voulu ce scrutin pour maintenir le statu quo. Mais le gouvernement libanais a fait savoir hier que les élections législatives auraient bien lieu en mai... Il est encore trop tôt pour le dire. Ce qui est sûr, c'est que ceux qui veulent empêcher ces élections veulent gagner trois nouvelles années de bloc syro-libanais hostile à tout changement.
Qu'attendez-vous de la communauté internationale ?
Elle ne doit plus rester au niveau de la parole. Il faut passer aux actes, faire voter une nouvelle résolution avec des mesures concrètes de rétorsion contre ce régime. Et même envisager de remplacer dans l'immédiat, et ne serait-ce que pour un court délai, les Syriens par des forces multinationales qui prendraient en main la sécurité au Liban.
"Le Mossad ou Al Qaïda"
Pour Barah Mikaïl, chercheur à l'IRIS, l'assassinat de Rafic Hariri est un signal envoyé à la fois à l'opposition libanaise et aux milieux économiques. La responsabilité de la Syrie étant "trop évidente" à ses yeux, il privilégie soit la piste israélienne soit la piste islamiste.

Tf1.fr : Pourquoi ce regain de violence alors que la situation semblait calme ?
Barah Mikaïl:
Elle était faussement calme. Depuis la fin de l'été dernier, les tensions institutionnelles et politiques se sont multipliées. Tout d'abord avec la reconduction du mandat du président Lahoud (ndlr : reconduction imposée par la Syrie) puis avec le vote de la résolution 1559 de l'ONU (ndlr : votée le 2 septembre 2004 à l'initiative des Etats-Unis et de la France, elle demande implicitement à la Syrie de retirer son armée du Liban et aux groupes armés, notamment le Hezbollah, de désarmer). Cette crise a entraîné la démission de Rafic Hariri de son poste de Premier ministre et la création d'un pôle d'opposition au président Lahoud.

Tf1.fr :
Pourquoi Hariri, pourquoi maintenant ?
B.M. :
Il y a trois grands leaders de l'opposition : Michel Aoun, Walid Joumblatt et Rafic Hariri. Le premier est en exil en France, le second, même s'il est très actif sur la scène politique, a en fait beaucoup moins d'importance que Hariri. Le passé d'homme d'affaires d'Hariri lui conférait un important réseau dans les milieux politiques et économiques. Il avait donc une très grande influence dans la vie libanaise. Et il n'avait pas été satisfait de la résolution, qui laissait un délai de six mois avant une nouvelle réunion du Conseil de sécurité. Son assassinat est donc à la fois un signal envoyé à l'opposition et une manière de déstabiliser le Liban sur le plan économique. Je pense d'ailleurs que le lieu de l'attentat n'a pas été choisi au hasard. Il s'agit d'un complexe touristique et bancaire où des capitaux étrangers sont implantés. "Les Etats-Unis et la France ont leurs responsabilités"

Tf1.fr : Selon vous, quelles pistes sont à privilégier ?

B.M. : Bien sûr, tout le monde va se tourner vers la Syrie. Elle avait évidemment intérêt à se débarrasser d'un opposant à sa présence au Liban. Mais cela me semble trop gros pour être réaliste. Même intérêt et même réflexion avec le gouvernement libanais. Une autre thèse pointe en direction du Mossad. Les services secrets israéliens ont tout intérêt à créer une déstabilisation politique du Liban. Il ne faut pas oublier qu'Israël est toujours de fait en état de guerre et avec le Liban et avec la Syrie. Enfin, la dernière théorie mène à des groupes islamistes affiliés à Al Qaïda. Ces extrémistes veulent faire disparaître les Etats-nations pour instaurer le califat. La première revendication, diffusée sur Al Jazira, qui stigmatise Hariri comme d'un "agent infidèle" au service de l'Arabie saoudite, semblerait le confirmer. Mais il faut bien sûr être prudent. Pour l'instant, il est trop tôt pour se prononcer avec certitude.

Tf1.fr : Quelle va maintenant être l'attitude des Etats-Unis et de la France ?
B.M. : Ils ont tous les deux un rôle dans la crise institutionnelle actuelle qui a abouti à cet attentat. Ils ont fait preuve d'une mauvaise stratégie avec la résolution 1559 qui n'a satisfait personne. Je pense que le problème libanais ne sera de toute façon réglé que lorsque le conflit israélo-palestinien sera réglé, et à un degré moindre quand la situation sera redevenue stable en Irak. Paris et Washington auront alors des moyens de pressions diplomatiques sur la Syrie. Il faut également noter que la présence syrienne au Liban n'est pas la priorité de l'administration Bush.


Barah Mikaïl est chercheur sur le Moyen-Orient auprès de l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS).


A lire aussi: par Zeina El-Tibi,
présidente de l'Observatoire d'études géopolitiques et de la revue Etudes géopolitiques (www.etudes-geopolitiques.com), coauteur de
« Le Liban, regards vers l’avenir » (éditions Etudes géopolitiques-Idlivre) :

" Le gouvernement libanais aurait tout intérêt à une
commission internationale d'enquête "

La bataille pour le Liban
Le scénario ukrainien en vue d’être appliqué au Liban

&
Qui a assassiné Rafic Hariri ?
par Gilles Munier


Deux bien intéressantes contributions sur OULALA.net




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